*
Retour à l'accueil du site






Jean-Marie BLAS DE ROBLÈS


L’Île du Point Némo



Une fois encore, Jean-Marie Blas de Roblès nous offre, d’une plume vive et acérée, un épais roman passionnant, foisonnant, plein de trouvailles, d’aventures et de rebondissements, en enchevêtrant trois histoires dont les personnages sont si attachants ou surprenants que nous les suivons avec un intérêt frisant parfois la fébrilité au fil de leurs errances ou de leurs errements. Un tour du monde en quatre cent cinquante pages, un crime dans le Transsibérien, les références littéraires – Jules Verne, Agatha Christie, Conan Doyle et bien d’autres encore – ne manquent pas et c’est toujours une joie d’en débusquer une nouvelle au détour d’un chapitre.

L’histoire principale, qui ouvre le roman et nous conduira jusqu’à l’Île du Point Némo, est une course effrénée à la poursuite d’un diamant volé. Le détective chargé de l’enquête s’appelle Holmes. « Bien qu'il portât le nom de l'illustre détective, John Shylock Holmes n'avait hérité de cette lignée qu'un humour douteux et un sens aigu de l'expertise. Ancien conservateur de la bibliothèque Bodléienne, à Oxford, il travaillait chez Christie's, au service des restitutions ; talents et carnet d'adresses qui lui valaient parfois de prêter son concours à la Lloyd's pour négocier certaines affaires délicates. » Accompagné de son fidèle majordome, Grimod de la Reynière, « un beau gaillard couleur de métal bruni dont la musculature étarquait les vêtements sans nuire à son  élégance », Holmes vient rencontrer Martial Canterel, un dandy très fortuné, pour lui présenter l’objet de sa mission : « L'Anankè, est le plus gros diamant jamais exhumé d'une mine terrestre : huit cents carats une fois taillé, estimé à plus de quinze millions de florins ! Cette merveille était la propriété de Lady MacRae, veuve de Lord Duncan MacRae, seigneur de Kintail, autrement dit d'une certaine Madame Chauchat qui ne devrait pas être totalement effacée de vos souvenirs, si je ne m'abuse. […] C'est elle, et la compagnie d'assurances qui s'offre mes services à un prix exorbitant, qui m'ont engagé pour retrouver ce gros caillou. » Canterel a, en effet, bien connu Madame Chauchat – dans des circonstances que nous apprendrons plus tard, bien sûr – et il n’hésite pas une seconde, avec sa gouvernante, Miss Sherrington, à se joindre à Holmes pour filer en Écosse rencontrer celle qui est devenue Lady MacRae. Mais leurs premières investigations montrent que le diamant a déjà quitté le Royaume-Uni et doit emprunter prochainement le train Moscou-Pékin. Comme dans l’Orient-Express d’Agatha Christie, beaucoup de personnes vont se retrouver à bord du Transsibérien – Holmes et Grimod, Canterel et Miss Sherrington, Lady MacRae et sa fille, sans oublier le détective officiel, l’inspecteur Litterbag (qui rappelle l’inspecteur Fix du roman de Jules Verne) et bien d’autres encore – pour un voyage aux innombrables péripéties.

La deuxième histoire, dont les chapitres s’intercalent entre ceux de la précédente, s’enracine dans le Périgord et plus particulièrement dans une entreprise située à La Roque-Gageac. Arnaud Menesté, ingénieur en informatique, a rencontré la très jolie Dulcie dans une fabrique de cigares à Saint-Domingue. Le grand-oncle de Dulcie était lecteur dans cet atelier et  la lecture à voix haute en milieu professionnel occupe une place importante dans cette histoire. Dulcie maîtrisant parfaitement la fabrication des cigares, Arnaud se souvient avoir hérité une plantation de tabac dans le Périgord. Il épouse Dulcie et le jeune couple s’installe en France pour créer une entreprise à La Roque-Gageac. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples que prévu et Arnaud doit vendre son entreprise à un certain Monsieur Wang qui la transforme, modernité oblige, en fabrique de liseuses électronique. Arnaud est maintenant salarié dans son ancienne usine, chargé de lire à voix haute pour mobiliser l’attention des ouvriers, perpétuant ainsi la tradition cubaine découverte par Arnaud à Saint-Domingue. Monsieur Wang se révèle un personnage très ambigu et nous suivons, avec émotion ou étonnement, tout ce petit monde dans leurs étranges occupations périgourdines.

 Le troisième récit, qui alterne avec les deux autres, met en scène Dieumercie Bonacieux dont l’impuissance désole son épouse au point qu’elle va chercher tous les moyens (ingénieux mais parfois très risqués) d’y remédier ou de la compenser. Le lecteur s’amuse beaucoup, frémit parfois de crainte ou de douleur, en suivant les efforts débordant d’imagination de Carmen pour ranimer la virilité de son mari.

À mesure que s’enchaînent voyages et aventures, les trois histoires se croisent et se répondent tout en avançant, chacune à son rythme, au prix de nombreuses  circonvolutions, vers leur lointain dénouement. Quant à cette île du Point Némo qui donne son titre au roman, il vous faudra parvenir au terme de l’épopée pour en connaître les secrets. Un livre riche et passionnant pour un grand bonheur de lecture. Le lecteur ne s’ennuie jamais et retrouve avec un  immense plaisir la verve érudite et jouissive qui avait valu à l’auteur le prix Médicis 2008 pour son inoubliable Là où les tigres sont chez eux. Chaque livre de Jean-Marie Blas de Roblès est un événement à ne pas manquer !

Serge Cabrol 
(04/09/14)    



Retour
Sommaire
Lectures









Editions Zulma

464 pages - 22,50 €






Photo © Zulma / Opale
Jean-Marie
Blas de Roblès,

né à Sidi-Bel-Abbès
en 1954, a reçu le Prix Médicis pour Là où les tigres sont chez eux (Zulma, 2008).




Une bio-bibliographie détaillée est disponible sur le site de l'éditeur : www.zulma.fr







Découvrir sur notre site
d'autres livres
du même auteur :

La Montagne de minuit

La Mémoire de riz