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Thierry BOURCY


Les ombres du Rochambeau



Célestin Louise était un jeune policier quand la Guerre de 14 s’est déclarée. Il aurait pu rester à son poste mais il a préféré répondre à la mobilisation. « Je ne me sens pas de rester ici quand les copains seront en première ligne. » Cependant, chassez le naturel, il revient au galop, le soldat a été amené à résoudre des affaires compliquées dont les morts ne devaient rien aux balles allemandes. Les cinq premières enquêtes, une par année de guerre, ont été reprises en un seul volume chez Folio policier sous le titre : Célestin Louise, flic et soldat dans la guerre de 14-18. On y voit le quotidien des poilus dans les tranchées mais aussi la vie et les motivations des officiers,  sans oublier ce qui se passe à Paris quand les bidasses ont la chance d’obtenir une permission. Un sixième volume nous montre Célestin Louise six mois après l’armistice, ayant intégré les Brigades du Tigre de Clémenceau, menant une nouvelle enquête dont les racines se trouvent dans le passé militaire de la victime, ce qui ravive douloureusement ses souvenirs de la guerre. A la fin, sombre et sans illusion, il quitte la police et embarque pour l’Amérique. Ainsi auraient pu se terminer les aventures de Célestin Louise mais Thierry Bourcy n’a pas pu résister au plaisir d’ajouter un dernier volume qui se déroule sur le Rochambeau, le paquebot menant l’ancien policier vers son destin américain.

Dès le prologue, on comprend que la croisière ne sera pas aussi calme que Célestin pouvait l’espérer.
Le corps sans vie du journaliste Fernando Barbosa était étendu en travers de la cabine. Une tache de sang s'élargissait sous lui et des ruisselets rouge sombre s'écoulaient au rythme du tangage le long des rainures du parquet. Mais ce qui frappa le plus le jeune steward, ce fut l'inscription, au bas de la paroi près de laquelle s'était écroulé Barbosa : du bout de son doigt ensanglanté, le passager avait tracé avant de mourir le mot FAT.

Dans le huis clos du paquebot, l’affaire prend les allures d’un roman d’Agatha Christie où tout le monde devient suspect, où la peur envahit les coursives. Et malheureusement, le journaliste portugais ne sera pas la seule victime...

Mais Célestin Louise n’a pas la sérénité d’un Hercule Poirot. Ses nuits sont peuplées de cauchemars qui le mènent sans cesse aux horreurs des tranchées et la moindre allusion dans une conversation détourne aussitôt son esprit vers ce qui a été son quotidien pendant les cinq dernières années.
Ces quelques mots ramenèrent Célestin au fond de la tranchée, pendant les minutes fatidiques où ils attendaient, pressés les uns contre les autres, baïonnette au canon, que se taise l'artillerie supposée leur préparer le terrain mais qui, à chaque assaut, laissait pourtant intacts les nids de mitrailleuses et les fils de fer barbelé qu'il leur allait falloir cisailler sous les balles. Durant ces quelques secondes qui, pour beaucoup de ces jeunes poilus, seraient les dernières de leurs courtes vies, chacun se rattachait comme il le pouvait à un lambeau d'espoir, qui en regardant la photo de la femme aimée, qui en manipulant au fond de sa poche un gri-gri qui l'avait sauvé jusque-là, qui en priant un dieu qui n'aurait jamais dû les mener dans cet enfer.

Toutefois, à côté du dévouement des soldats, Célestin Louise n’oublie pas les errements de certains officiers supérieurs.
Célestin revit les défilés dans les villages dévastés, les inspections de généraux à cheval obligeant les régiments à des exercices inutiles sous la pluie, dans la boue, il se rappela la lâcheté d'un officier se terrant dans son abri au premier obus tombé près de la tranchée, il entendit les discours qui parlaient de vaillance et de victoire quand, à quelques pas de là, la moitié de sa section agonisait dans un hôpital de fortune.
Et quand il rencontre un général sur le Rochambeau, le dialogue s’engage mal.
– Sans doute croyez-vous que tous les généraux sont des va-t-en-guerre, monsieur Louise?
– Non. Il y a aussi des lâches, et des incompétents.

Heureusement, Célestin n’est pas seul pour enquêter sur les crimes, une petite équipe s’est constituée autour de lui. Jeanne d’abord, sa précieuse compagne, qui assurait le secrétariat de la Brigade du Tigre. Allan, ex-interprète de l’armée américaine rencontré dans Le gendarme scalpé, qui voyage avec eux vers le Nouveau Monde. Deux Anglais, le colonel Hawkins et le major Gaynes, qui faisaient partie du Corps expéditionnaire britannique.
Sans oublier le capitaine du Rochambeau et son second ainsi que quelques marins dont l’un a connu, lui aussi, l'horreur des tranchées. Les bonnes volontés seront les bienvenues pour aider Célestin Louise à démêler l’écheveau complexe de cette série de meurtres.

Qui était Barbosa, le journaliste portugais assassiné ? Que cherchait-il ? Pourquoi a-t-il été tué ? Que signifient les trois lettres tracées avec son sang ? Célestin parviendra-t-il à résoudre cette dernière énigme ? Le Rochambeau pourra-t-il poursuivre sa traversée vers les États-Unis ? Il faut lire pour savoir...

Avec ce dernier roman, Thierry Bourcy clôt un cycle passionnant, douloureux et nécessaire pour que les atrocités du siècle dernier ne sombrent pas dans l’oubli. Ici encore, la fiction prend toute sa place dans le travail de mémoire collective.

Serge Cabrol 
(15/06/15)    



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Noir & polar








Folio Policier
(Mai 2015)
272 pages – 7 €




Les cinq premières enquêtes en un volume

Folio Policier
1120 pages - 14,90 €




Les enquêtes de
Célestin Louise
ont d’abord paru chez
Nouveau Monde éditions
avant d’être rééditées
dans la collection
Folio Policier







Thierry Bourcy,
né à Vannes en 1955,
est écrivain, scénariste
et dramaturge.


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