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Caroline LAMARCHE
Dans un premier temps, (sur les quatre cinquièmes du court roman) la
narratrice raconte sa fascination pour Davant (l'homme d'avant), de ce couple
qu'elle a formé avec lui à temps partiel durant sept ans, de sa
fuite face aux menaces de suicide qu'il faisait constamment planer, des violences
dont s'avérait capable cet homme solitaire qui n'existait que par l'écriture
et le sexe. Puis, à cause d'une phrase lâchée par son amant lors de
la scène brutale qui sonnera le glas de leur relation - "Tu n'as
jamais digéré ce viol, voilà pourquoi tu vois la violence
partout, alors que c'est toi qui es violente à cause de ce viol mal digéré"
-, le roman bascule. Le récit oscille en permanence entre rêve (celui récurent
du corps d'une jeune fille, comme un double, paisiblement installée sur
un matelas de feuilles, morte, au fond d'un ravin peu accessible auquel elle
rend visite et s'adresse chaque nuit) et narration de cette liaison amoureuse
qui l'a blessée mais dont le souvenir semble encore empreint de la nostalgie
d'un certain bonheur partagé. "La mémoire de l'air conserve
tous nos gestes, tous nos mots et même les gestes et les mots auxquels
nous finissons par renoncer". Si le roman est à la première personne, on est loin ici de la confession et de l'exhibitionnisme. La parole loin d'être l'instrument d'une révélation faite aux autres, sert à l'exploration par le personnage de son intimité la plus profonde, pour, grâce aux mots, tenter d'y voir plus clair et oser enfin y faire face. Par ailleurs, la structure même du récit, avec la figure de la morte du ravin comme alter ego de la narratrice, expression paradoxale de son désir inavoué de trouver l'apaisement dans la mort et d'un processus de neutralisation de cette partie souffrante de son être, décale le récit et le teinte d'irréalité et d'étrangeté. Ce roman qui aborde le sujet difficile des violences faites aux femmes, du
recours à la négation et au refoulement qui en résulte,
des cicatrices cachées et des pathologies qu'elle génère,
est porté par une écriture pudique et empreinte d'une grande justesse.
Un livre atypique et bouleversant. Dominique Baillon-Lalande (12/04/14) |
Sommaire Lectures Gallimard (Janvier 2014) 104 pages - 11,50 €
Bio-bibliographie sur le site de l'auteur |
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