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Jean-Jacques CARRÈRE


Un Major en Trégor



Jean-Jacques Carrère aime les histoires d’où l’épaisseur des aventures, en Bretagne, de son gendarme, Voltaire Mourdade, qui trouve les digressions propices à l'avancement de l'enquête ! On le sait bien, les petites histoires font la grande et la virée à Tréguier de notre enquêteur retraité va exhumer le passé pas joli joli de certains bretonnants locaux.

Tout ça, évidemment, sous un fin crachin parfumé au goût de Kouign-Amann dont l'épouse du Major raffole. « En principe pourtant, tout aurait dû opposer Nicole Mourdade et cette spécialité bretonne. L'épouse du Major, comme on le sait, était adepte de régimes alimentaires où le sucre, le beurre, la farine, étaient proscrits. Or, l’étouffe-chrétien connu sous le nom de Kouign-Amann a été exclusivement composé de ces trois ingrédients, en doses variables selon les recettes, la seule condition pour réussir ce gâteau étant qu'il y ait trop de tout. »

Sans le vouloir, les filles des vieux amis qui hébergent le couple Mourdade font tout pour relancer le Major dans son tango préféré, celui de l'arrestation des coupables !

L'une travaille au Petit Écho du Trégor républicain, le journal local, et a la bonne idée, pour relancer les ventes en chute libre, de demander aux lecteurs, y compris sur Internet, leur avis sur des affaires criminelles non élucidées comme l'affaire Seznec, celle du pylône du Mont d’Arrée ou l'exécution de l’abbé Perrot par des maquisards.

L'autre fille, professeur d'histoire-géo et amoureuse du style Beaumanoir typique de l'architecture religieuse en Trégor, va rencontrer une espèce de professeur-barde qui n'a pas peur de recaler des étudiants qui osent remettre en cause l'authenticité du Barzaz Breiz, "recueil de textes bretons" dont on sait que « ces pseudo-chants guerriers bretons du Moyen-âge repris depuis à satiété par de prétendus bardes plus ou moins inspirés étaient des faux évidents » et qui se trouve lui aussi mêlé à ce passé peu glorieux dont il garde la rhétorique : « Nous devons d'abord reconquérir notre langue sacrée, l'unifier, la répandre sur toute la Bretagne, de Brest à Nantes. Une langue, un peuple, une nation. »

Les ramifications sont multiples dans cette histoire où la première victime, le directeur du journal, n'est en fait que la partie visible d'une longue liste d'autres victimes toutes en lien avec le passé nazi de certains bretons qui préféraient le "Reich de mille ans" à "l'oppression séculaire sur le peuple breton de la France".

Une histoire fourmillant d'anecdotes historiques comme le rôle de l'Irlande pendant la Seconde Guerre mondiale ou la fabrication du drapeau breton et qui mêle avec humour des événements graves du passé, la collaboration, à l'actualité, celle des bonnets rouges ou celle du cynisme libéral qui ferme une entreprise là pour la réinstaller à bas coûts ailleurs.

En exergue, Jean-Jacques Carrère a inscrit la formule courante d'introduction des contes bretons :
« Selaouit, mar hoch’h eur c’hoant,
Hag e clevfot eur gaozic coant... »

« Écoutez, si vous voulez,
Et vous entendrez un joli conte... »

"Un joli conte" oui, mais bien ancré dans une réalité pas toujours reluisante même si le paysage peut vous tirer des « Putain que c'est beau, brailla-t-il au vent et à la pluie qui fouettaient son visage » comme au major sur le chemin côtier.

Sylvie Lansade 
(10/08/16)    



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Rouergue

(Mars 2016)
400 pages - 22 €










Jean-Jacques Carrère,
né en 1947, a été enseignant et se consacre désormais à l'écriture. Il a publié trois autres romans chez le même éditeur.


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