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Sylvie HUGUET

Rouge Alice



Ce nouveau recueil nous permet de retrouver des thèmes qui sont chers à l'auteur : sa passion pour les loups et autres animaux à fourrure, pour les arbres et la nature en général, son goût pour les intrigues policières et pour les relations familiales pathogènes, ces relations n'étant pas toujours sans lien avec les enquêtes criminelles.

Rouge Alice, la nouvelle qui donne son titre au recueil, en occupe plus de la moitié, une soixantaine de pages. Tous les thèmes ci-dessus, et d'autres encore, y sont réunis.
Alice, ayant perdu ses parents très jeune, a vécu chez sa grand-mère, à Gérardmer dans les Vosges, jusqu'à dix-huit ans. La cohabitation a été difficile et son enfance triste et solitaire.
Je me rappelle ces dimanches sinistres que je passais sous ses jupes, sans avoir le droit de jouer avec les autres enfants du bourg, tous malappris à l'entendre. Elle me contraignait à broder, activité dont j'avais horreur. Heureusement, elle me fit aussi apprendre le piano, autre talent féminin ; je crois qu'elle n'a jamais compris les joies que j'y puisais, sans quoi elle ne les eût interdites. La musique qui naissait sous mes doigts me plongeait dans des extases maîtrisées qui, à son insu, brisaient le carcan qu'elle m'infligeait. Restait aussi la lecture dont elle ne se méfiait pas, parce que ma présence physique lui suffisait : dénuée d'imagination, elle n'en pouvait soupçonner les prestiges. Ce sont d'abord les lectures qui m'ont donné la passion des loups, ceci bien avant Croc Blanc, depuis les contes de Perrault : je me réjouissais que la mère-grand fût dévorée, et je m'inventais un dénouement où le loup épousait le Petit Chaperon rouge.
Outre la musique et la lecture, Alice a très tôt pratiqué la randonnée pédestre, dans le cadre d'un club au début, puis seule, à l'insu de sa grand-mère évidemment. Ces randonnées solitaires comptent parmi mes plus beaux souvenirs et durèrent jusqu'au jour où grand-mère eut vent de la vérité par une connaissance du bourg.

Chaque étape de la vie d'Alice a été un combat contre la folie possessive de sa grand-mère : continuer ses études, alors qu'il suffisait de trouver un mari, avoir des enfants et s'installer avec sa petite famille chez sa grand-mère si attachante ; louer une chambre à Nancy pour ne pas faire le trajet tous les jours ; accepter un stage dans le Mercantour pour observer le comportement des loups dans le cadre de son doctorat… À chaque fois, il fallait menacer de claquer la porte pour que la grand-mère cède à regret un peu de terrain.

Et voilà qu'aujourd'hui, alors qu'Alice est revenue pour le week-end, la grand-mère est morte dans son lit pendant la nuit. Le docteur Berget, qu'elle connaît depuis toujours, est bien embarrassé :
– Tu n'as pas remarqué l'expression de son visage ? Ta grand-mère est morte de terreur. Elle a vu quelqu'un ou quelque chose qui a provoqué l'arrêt du cœur.
– Ça ne peut pas être un cauchemar ?
– Ce n'est qu'une hypothèse parmi d'autres. Quelqu'un a pu s'introduire chez vous pendant la nuit et la surprendre. Je suis désolé, ma petite fille. Je sais que je t'impose un stress supplémentaire mais ce n'est pas une mort naturelle. Je ne peux pas signer le permis d'inhumer.

Il y a donc enquête et le lieutenant Mathieu Dixmer est chargé de faire toute la lumière sur cet étrange décès... Est-ce vraiment possible ?

Les autres nouvelles sont plus courtes, quelques pages, mais pas moins violentes.

Chantal est triste pour les pauvres petites bêtes mais elle aime décidément trop les fourrures pour pouvoir s'en passer. Lynx, marmotte, vison, panthère, renard... Son armoire en est pleine. Mais cette passion est-elle vraiment sans danger ?

Un auteur écrit à son éditeur pour l'avertir que son enquête a si bien avancé qu'il ne pourra pas en publier le résultat. Il s'agit de la disparition d'un garçon de 13 ans qui, selon son père, aurait été victime des loups du Mercantour… Tous les spécialistes s'accordent pourtant à dire que le loup n'attaque pas l'homme.

Est-il bien raisonnable d'aller couper dans la forêt un magnifique sapin de six mètres pour fêter Noël dans une maison neuve ? Papa gagne tellement d'argent que tout est possible. La petite Marie-Christine en est tout émerveillée...

Nadia, elle, préfèrerait que son père l'aime moins, ou autrement. Une nouvelle sur l'inceste vu par les yeux d'une fillette et par la plume acérée de l'auteur.

Un garçon croit rêver en se retrouvant, enfin, au pays des elfes… Un autre thème ou plutôt une autre source qui alimente régulièrement l'œuvre de Sylvie Huguet. Elle leur a déjà consacré un roman : Le dernier roi des elfes.

Un vieil homme ne peut s'empêcher de penser à ce cheval ailé inventé dans un roman resté inédit que son petit-fils a trouvé complètement nul : "Les chevaux ailés, d'abord, ça n'existe pas !"

C'est justement un des rôles de la littérature de faire apparaître ce qui n'existe pas, de rendre réel l'invraisemblable, d'emporter le lecteur vers des contrées imaginaires ou au contraire d'aborder le quotidien avec un regard si neuf qu'il en fait jaillir l'impossible. C'est en tout cas l'objectif de Sylvie Huguet et elle y réussit à merveille, d'une écriture redoutablement efficace, aux termes choisis avec soin, précis et affûtés, mêlant beauté et violence, alternant la quiétude d'une clairière ou d'un lac de montagne et la rapidité d'un cerf qui bondit ou d'une mâchoire qui se referme sur sa proie, le rouge du Petit Chaperon et le rouge du sang, l'innocence et la mort. Une écriture dont il faut se méfier. On ne sait jamais ce qui nous attend au détour d'une phrase…

Serge Cabrol 
(24/11/13)    



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Lectures








La Clef d'Argent

112 pages - 6 €







Sylvie Huguet
a déjà publié environ
cent cinquante nouvelles
dans diverses revues,
six romans et
sept recueils de nouvelles.




Bio-bibliographie
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