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Au fil des souvenirs de sa narratrice, née en 1965 à Saint-Maurice dans le Gard, Ahmed Kalouaz évoque la situation des harkis parqués dans des camps après la fin de la Guerre d'Algérie. Dans une alternance de tendresse et de violence, nous accompagnons le vagabondage de Fatima parmi ses rêves et ses pensées. Un texte très doux, très fort, très émouvant. Fatima s'est accordé quelques jours pour réfléchir, faire
le point. Ce n'est pas une retraite dans une abbaye ou un séjour dans
un club de vacances mais une chambre toute simple dans un de ces hôtels
qu'elle connaît bien pour y avoir fait le ménage pendant des années.
Elle revoit des bribes d'enfance. Lorsque je suis née, mes parents
et tant d'autres vivotaient depuis trois ans dans ce camp ouvert à la
hâte. Pour le trouver, il faut aller au bout d'une route étroite
reliant deux villages, croiser de nombreux chemins menant dans les vignes. Un
seul, en haut d'une petite côte, s'enfonce dans une forêt de chênes
verts ceinturée de barbelés. Des panneaux indiquent qu'il s'agit
d'un terrain militaire. Camp de prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale,
des miradors en dominent encore les abords. Mais elle parcourt aussi ses cinquante ans de vie de femme, le bonheur partagé
quelques temps avec un syndicaliste. Dans le camp j'ai vécu l'agonie
de mes parents, mais aussi appris la colère, les poings que l'on serre.
Avec l'homme que j'ai accompagné un bout de vie, j'ai entrevu des parcelles
de paradis, côtoyé les batailles de son syndicat, le droit de marcher
fièrement. Les convictions et le refus des compromis. Mon fils s'est
nourri de cela, c'est peut-être ce qui l'a poussé à s'en
aller très vite, à voler par-delà les océans. Pas de règlement de comptes dans ce roman, pas de haine ou de larmes, juste des souvenirs, des jours de colère et des jours de bonheur, le récit d'une histoire, d'une vie bien remplie, d'un parcours encore loin de son terme. Pour avancer encore et ne plus me faire happer par ce passé, il faudra que je pousse un peu plus loin, pourquoi pas, reprendre des études Un très beau livre autour d'un personnage attachant, une nouvelle preuve du talent de cet auteur patient et obstiné, poète, dramaturge et romancier, qui poursuit une uvre cohérente, riche de plusieurs dizaine de titres, dont l'amour et la mémoire sont les fils conducteurs. Un grand bonheur de lecture, qui confirme cette permanence, de siècle en siècle, d'une littérature vivante, toujours aussi riche dans sa diversité. Des mots qui font rêver et réfléchir, qui aident à comprendre, qui aident à vivre Serge Cabrol (24/07/14) |
Sommaire Lectures Le Rouergue (Mai 2014) 96 pages, 13 €
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