Retour à l'accueil du site





Catherine LABORDE


Les chagrins ont la vie dure



Deux personnages se rencontrent dans un train.
Madame météo, partie à Bordeaux, sa ville natale, pour l'enterrement de son ancien et seul amour, un comédien tombé dans la drogue avec lequel elle avait gagné dans sa jeunesse la capitale et vécu plusieurs années en couple. Une blessure jamais totalement refermée.
Un enfant d'une petite douzaine d'années, parti clandestinement à la recherche de son père.

Lui n'a pas de billet et spontanément l'adulte (sous prétexte d'avoir manqué de temps pour l'acheter) règle au contrôleur l'amende demandée pour ce drôle de gamin dont elle a inconsciemment senti monter la panique.
Le dialogue, questions de sa part à elle avec mensonges auxquels elle ne croit pas un instant du fugueur en réponse, péniblement s'instaure. À la descente du train, ne trouvant personne à qui  confier celui qu'elle ne peut laisser seul vu son jeune âge et prise par une question d'horaire pour la cérémonie funéraire, elle décide de l'embarquer avec elle. Sans réfléchir aux conséquences de son geste mais pressentant confusément que cette présence à ses côtés dans ce moment difficile sera un soutien.  
« C'est un hasard merveilleux que nous nous soyons rencontrés dans le train. Ni l'enfant ni moi n'aurions pu affronter seuls, isolés, ce voyage à Bordeaux. Moi à la recherche de mon passé, lui de son futur. Et tant que nous serons dans cette ville, tant que nous ne nous serons pas réconciliés avec nous-mêmes, nous serons, lui et moi, tenus à ce pacte. »

Après le crématorium ils se rendront ensemble à ce rendez-vous que le garçon dit avoir avec sa sœur au café situé face au lycée, pour qu'il l'accompagne chez leur père commun.
Mais le café s'est vidé sans que la sœur ne le rejoigne. Alors, sous peine d'être déposé au commissariat le plus proche, l'adulte qui a deviné depuis un moment déjà que le gamin est perdu dans cette ville où il ne connaît en fait personne, exige la vérité. Je vous laisserai la découvrir avec ses mots.

La journée se poursuivra ainsi dans la double quête de l'enfance et des souvenirs de jeunesse pour la femme et pour l'enfant de ce père qu'il est venu rencontrer sans même en connaître l'adresse et sans que celui-ci en soit averti.
Chez les deux personnages cette errance dans la ville à la poursuite de l'impalpable, du désir, du manque, prend la forme d'une quête de soi-même.

      La structure du roman, avec de courts chapitres où l'un ou l'autre partage avec le lecteur ses réflexions et ses observations, assaisonnés d'humour pour elle et de fraîcheur naïve pour lui, parsemés de nombreux dialogues et de rencontres clés, est extrêmement dynamique.
Les scènes où la femme est reconnue par ceux qui la voient tous les jours présenter la météo à la TV (ce qui souvent facilite bien des démarches) sont d'une simplicité et d'une drôlerie qui allègent de façon sympathique le récit intime.

Porté par un style fluide, nimbé de sensibilité et résolument tourné vers la lumière (ce que confirme le happy-end), ce texte, qui n'a rien d'un guide touristique qui vous ferait visiter Bordeaux toute affaire cessante, pose un regard subtil sur les frustrations qui à tout âge nous construisent et sur la complexité des rapports humains (couple ou adulte/enfant).
La voix du gamin, sans en faire trop, est souvent attendrissante de spontanéité et l'ensemble est mis en place et en mots avec une rare simplicité qui laisse presque naturellement l'émotion s'exprimer avec justesse et profondeur.
La dernière phrase restitue bien l'ambiance :
« Elle est sortie. L'air est vif, le soleil levant joue avec les pierres et les pavés. Au dessus du fleuve, là où les nappes de brume glissent et se dissipent, les cris des mouettes l'accompagnent. Tout commence. »

Un roman destiné à un large public, avec des personnages touchants que chacun peut investir et une petite musique, pudique mais moins anodine qu'elle ne pourrait le paraître, qui met le sourire aux lèvres.

Dominique Baillon-Lalande 
(09/03/16)    



Retour
Sommaire
Lectures




Flammarion

(Février 2016)
240 pages - 17 €












Catherine Laborde,
née à Bordeaux, comédienne et écrivain, présente la météo à la télévision depuis 1988. Les chagrins ont la vie dure est son sixième livre.

Bio-bibliographie
sur Wikipédia