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Un premier roman bouleversant où le narrateur évoque les séjours traumatisants de son jeune âge dans un home d'enfants. Il avait à peine plus de deux ans la première fois. Il y allait avec son frère un peu plus grand et plus tard sa petite sœur. « Noël, février, Pâques et tout l’été. Et puis les ponts aussi. De très grands ponts. Qui débordaient toujours ». Et dans ce home, les vacances, c'était l'enfer. Les parents envoyaient leurs enfants en toute confiance dans ce lieu présenté comme idyllique sur les dépliants mais géré en réalité d’une main de fer par la directrice et d’une main baladeuse par son mari. Le roman s’ouvre sur le voyage en train qui arrachait les enfants à leurs familles pour les soumettre aussitôt à la discipline et aux contraintes. Tout était interdit dans le train même de sortir une peluche de la valise. On ne bougeait pas, on ne parlait pas, on ne pleurait pas. « On s’asseyait sur le siège qu’on nous destinait. Même dans le sens inverse de la marche. Même si son frère était séparé de soi par un inconnu, conformément au dérèglement intérieur. Une fois, mon frère prit une claque pour avoir tenté de s'asseoir à côté de moi. » Une fois sur place, le séjour commençait par le rituel du contrôle de la valise. Chaque effet correspondant à une liste précise envoyée aux parents devait être étiqueté et numéroté. Gare à celui dont la mère avait commis un oubli ou une erreur ! À chaque moment de la journée correspondaient des règles strictes. Dès le réveil et le passage de l’infirmière et ses thermomètres : « Ce contact froid et sec, cette pénétration du réveil, cette petite sodomie quotidienne nous blessait nous blesser autant qu’elle nous déroutait : nous n'étions pas malades. Il nous fallait rester de longues minutes immobiles sur le banc, fesses à l'air offertes aux regards du home, jusqu'à la fin de sa tournée. » Un enfant qui avait de la température était considéré comme ayant contrevenu à une règle du home où on ne devait pas et ne pouvait pas être malade. Le lever, le petit déjeuner, le passage au lavabo et sur le pot de chambre, les promenades, les douches, tout était ritualisé, surveillé, chronométré… La loi du silence s’imposait dans tous les sens : ne pas parler quand on n’était pas interrogé et ne rien dire de négatif sur le home ou sa directrice. « Peut-être que la directrice, au lieu de nous brimer, ne faisait que nous aider à comprendre qui étaient nos parents. » Parfois, l’enfant connaissait un peu de joie ou de liberté comme la cachette dans le grenier ou un rapprochement avec une monitrice, mais c’était toujours de courte durée. Dans ce home, l’enfer c’était aussi les autres. Les enfants ne sont pas tendres entre eux. Plus tard, le narrateur a cherché à savoir ce qu’était devenue la directrice et l’a retrouvée… Voilà un roman fort, d’autant plus violent que l’enfant est très jeune et qu’on est bouleversé par ses émotions dans cet univers plus proche d’une colonie pénitentiaire que d’un centre de vacances. Violent aussi par les dégâts à long terme provoqués par l’autoritarisme de l’une et les attouchements de l’autre, traumatismes évoqués par le narrateur dans le journal qu’il écrit à soixante-cinq ans et qui nous est révélé dans la troisième partie du livre. « Mon problème n'est pas de n'avoir rien construit dans ma vie mais d’avoir systématiquement tout détruit. C'est cette graine-là qui fut plantée au home d'enfants. » Serge Cabrol |
Sommaire Lectures Belfond (Août 2016) 224 pages - 18 € Belfond Poche (Août 2020) 160 pages - 10 €
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