Retour à l'accueil du site | ||||||||
Le roman se situe en Grèce, en 2014. Depuis quatre ans le pays rongé par une dette hors norme a été mis en banqueroute sous tutelle des instances européennes. Un magasin sur deux a fermé, les faillites d’entreprises ne se comptent plus, l’émigration des jeunes s’accélère parallèlement à la pauvreté et les suicides se développent. L'ordinaire du commissaire Charitos est de constater le décès des chômeurs ou retraités qui ne parviennent plus à vivre de leur trop maigre pension ou de leurs économies, d'encadrer les manifestations qui bloquent la circulation pour éviter les dérives, tandis que le désespoir et la colère n'en finissent pas de s’accroître. C'est la veille des fêtes de fin d'année que le commissaire apprend la suspension de son modeste salaire pour trois mois ou plus. Cela n’empêche pas des festivités chaleureuses passées en famille avec sa femme Adriani, leur fille Katérina, leur gendre Phanis et Zissis, un grand résistant dans le passé qui jamais n'a déposé les armes, mais parasitées par l'angoisse et l'actualité car la nuit même la Grèce, comme l'ont fait l'Espagne et l'Italie, quitte l'Euro pour revenir à sa monnaie nationale, s'excluant du système monétaire européen. Dorénavant, survivre relève d'une lutte quotidienne et mutualisation, débrouille, pragmatisme et simplicité, sont la nécessité pour tous. La sauvegarde de la dignité aussi. Alors, en cuisine, Adriani réduit la consommation de viande et négocie dur le prix du poisson. « Nous mangerons de la viande une fois de temps en temps, nous vivrons de légumes secs. Cela fait des années que des spécialistes me cassent les oreilles à la télévision avec leur alimentation saine. Eh bien l’alimentation saine va devenir une nécessité. » Katérina, avocate sans cabinet ni salaire et son mari médecin sans honoraires se mettent au service des opprimés et viennent manger tous les soirs à la table familiale pour partager et réduire les frais. Charitos, la mort dans l'âme, doit laisser sa chère voiture au garage faute de pouvoir payer l'essence qui lui permettrait de rouler. Katérina est saisie pour la défense de Kyriakos Demertzis, un jeune étudiant arrêté comme dealer qui reconnaît aisément les faits. C'est afin de participer au financement d'un ancien hôtel converti en squat pour SDF qu'il aurait vendu de la drogue mais, pour le commissaire Charitos, son collègue des stups et la jeune femme, quelque chose cloche. L'étudiant sérieux et issu d'une bonne famille n'a pas le profil adéquat même si la confrontation avec le père témoigne d'une rupture et d'une haine intergénérationnelle assez violente et réciproque. Peu après, le cadavre de Demertzis père est découvert assassiné dans l'ancien centre olympique de Paleo de Faliro. Un acte probablement symbolique car l'entreprise de la victime en avait obtenu le fructueux marché de la construction. Le tueur (ou la faction extrémiste) a laissé auprès des victimes le célèbre slogan brandi par les insurgés de la "génération de Polytechnique", Pain, éducation, liberté, comme unique revendication. La deuxième victime, issue du même creuset et revendiquée par le même slogan, est un universitaire qui, après la rébellion contre la junte militaire, avait connu une carrière aussi brillante que lucrative. « C’était un professeur dévoué à sa matière et à ses étudiants [...]
Si ça continue, il va faire de la victime un saint dont je pourrai rapporter l’icône à la maison. » Pendant ce temps Katérina et son associée Mania s'organisent avec les moyens du bord et élargissent leur projet initial d'aide aux drogués à la création de Radio espoir, une station en lutte contre la propagande gouvernementale et en résistance contre la haine et la violence qui gangrènent toute la société. Lambros Zissis, lui, avec la rigueur et la discipline issues de sa formation politique communiste et la vie dans les camps où il fut détenu, contribue à l'animation d'un foyer pour sans-abri. Dimos Lepeniotis, le troisième sur la liste du ou des meurtriers, avec le même profil et suivant le même scénario, était un syndicaliste d'envergure nationale. Pain, éducation, liberté, troisième volet d'une trilogie après Liquidations à la grecque (prix Le Point du Polar européen 2013) et Le Justicier d’Athènes, fouille de l'intérieur la crise grecque . Écrit en 2012 et situé en 2014, le polar imagine dans une politique fiction une Grèce qui aurait renoncé à l'euro pour retrouver la drachme. Et l'enquête menée par le commissaire attachant sert ici de support à une rétrospective historique de la Grèce, de la dictature à nos jours et à un tableau de ce pays surendetté en pleine crise. Il a aussi souvent recours à l'humour pour donner de l'air et du sourire à son récit. Pain, Éducation, Liberté est un roman plein d'humanité au rythme vif avec une intrigue soutenue et de beaux personnages, qui, à partir d'une enquête bien menée et d'un document vu à hauteur des habitants, éclaire avec justesse cette crise terrible que traverse le peuple grec. Dominique Baillon-Lalande (04/07/15) |
Sommaire Noir & polar Points Seuil Policier (Mars 2015) 264 pages - 6,70 € Traduit du grec par Michel Volkovitch Paru au Seuil en mars 2014
Bio-bibliographie sur Wikipédia |
||||||