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Daniel MORVAN


Lucia Antonia, funambule



Un roman très étonnant et déroutant dans un premier temps puisqu'il se présente sous forme de fragments notés dans des carnets mais on se laisse prendre par le spectacle comme au cirque où les numéros défilent les uns après les autres. Les chapitres très courts, numérotés en chiffres romains, toujours introduits par un titre, sont écrits à la première personne par Lucia Antonia une funambule dont la partenaire, Arthénice, est morte suite à une chute. Nous découvrons la vie du cirque, de génération en génération avec ses codes, son fonctionnement, son rapport au public.

XL. Perte
Quand nous étions dans le sud, pour la dernière grande étape du cirque, un gouffre attirait les touristes. C'était un abîme creusé il y a deux cents millions d'années. Depuis tout ce temps, il attendait qu'une funambule y tombe.

Ce que ressent Lucia Antonia nous est livré dans toute sa complexité.

XLV. Ma faute
Arthénice est tombée au cours d'une scène où je devais être sa partenaire. Notre numéro de jumelles était le clou du spectacle. Au dernier instant, souffrante, je dus me faire remplacer. Ma cousine Livia prit ma place. Le numéro, si souvent répété, voulait que l'on se croisât sur le fil. Ce moment le plus délicat où l'une se suspend et l'autre traverse sur les mains.

Les êtres passionnés qui vivent dans un cirque côtoient la mort pour faire frissonner le public mais à quel prix.
L'écriture légère vole de page en page pour révéler le poids du drame.

XLIX. Parfois c'est la chute
Nous avons tous l'angoisse de mal faire, dit ma cousine Livia. Être en vie pour entendre applaudir ses virevoltes ne prouve pas leur perfection.
Ne pas être tombée ne peut pas suffire à susciter les applaudissements, répétait solennellement Arthénice.
Parfois, c'est la chute que le public espère, disait-elle en imitant le clown ivre qui vacille pour faire rire.

Tout est donné au public. Ce livre va bien au-delà d'une description du cirque et de ce que vivent ses artistes. C'est une exploration de la douleur du deuil et de la perte d'un être cher. Comment vivre cette absence ? Nous plongeons dans les sentiments que chacun peut éprouver et nous voyons le rapport ambigu du public, sa peur, ses désirs profonds et ce qu'un accident peut bouleverser au cœur de cet univers qui vit en vase clos, pétri de ses superstitions, de ses règles de protection et qui veut continuer à offrir, sous les paillettes, la vie et la mort.

Brigitte Aubonnet 
(10/10/13)    



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Editions Zulma

(Août 2013)
144 pages - 16,50 €






Photo © Zulma
Daniel Morvan
est journaliste au
quotidien Ouest France.
Lucia Antonia, funambule
est son cinquième roman.