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Janis OTSIEMI


African Tabloïd



Une fois encore, Janis Otsiemi nous entraîne à Libreville pour une immersion en eaux troubles dans la capitale du Gabon.
"Fondée en 1849, la ville de Libreville doit son nom aux esclaves libérés du navire négrier L'Éliza. D'abord établie tout le long de la côte autour du Fort d'Aumale, la ville s'est peu à peu étendue sur le continent."
"La ville de Libreville n'était plus ce qu'elle était autrefois. Bon nombre de ses quartiers étaient devenus de véritables
banditoustans3 où aucun policier ne s'aventurait à la nuit tombée. Conséquence, la criminalité avait augmenté : braquages à main armée, vols à l'étalage, viols... Et on n'avait pas besoin d'avoir un long Bic4 pour en comprendre les causes : pauvreté, chômage, travail précaire, drogue..."
3 Quartier réputé pour ses bandits à la nuit tombée.
4 Avoir fait des études universitaires.

Après les meurtres de prostituées dans Le chasseur de lucioles, voilà le capitaine Koumba et son adjoint Jacques Owoula obligés de mener plusieurs enquêtes à la fois : un ministre qui s'est fait voler son chéquier grâce auquel quatre millions de francs CFA ont déjà disparu de son compte ; les suicides de deux lycéennes dont les vidéos en petite tenue (ou sans tenue du tout) circulent sur Internet ; une femme avec son bébé dans les bras fauchée sur un grand boulevard par un chauffard en délit de fuite... De quoi s'occuper à plein temps !

Du côté de la gendarmerie, on retrouve l'autre duo, le lieutenant Boukinda et son coéquipier Hervé Envame, confrontés pour leur part à la découverte du corps d'un journaliste d'investigation sur une plage de Libreville, noyé certes mais pas seulement, parce qu'il avait un gros trou dans la gorge fait par une arme à feu et deux doigts de la main gauche coupés.

Ces enquêtes, qui vont parfois se croiser, sont autant d'occasions pour le lecteur de suivre ces gendarmes et policiers dans leur travail et dans leur vie quotidienne, entre autres le racket des automobilistes et les coucheries avec leurs maîtresses, et Boukinda, par exemple, a quelques soucis avec Maryline qui doit faire un test de grossesse.
"– Sois raisonnable, Maryline. Je ne suis pas prêt pour avoir un enfant en ce moment.
Et ce n'était pas faux.
Boukinda avait déjà ramené un bâtard à la maison. Une fille qu'il avait eue il y a quelques années avec une collégienne. Jacqueline, sa femme, avait accepté de l'élever comme si c'était son propre enfant. Il ne pouvait plus abuser de sa compréhension. Si jamais elle apprenait qu'il avait un autre môme dehors, il était sûr qu'elle le quitterait cette fois pour de vrai. Plus grave encore si c'était avec Maryline.
Boukinda était un vrai Gabonais. Il pensait comme la plupart de ses compatriotes qu'un homme viril doit avoir une plantation et un jardin. Entendez par là, une femme légitime et
un deuxième bureau25 en cas de coup dur."
25 Maîtresse

L'enquête sur le journaliste se révèle délicate parce que Roger Missang travaillait pour un journal hostile au pouvoir et que le gouvernement allait, bien évidemment, être tenu pour responsable de son élimination. Les gendarmes sont chargés de prouver le contraire, si possible...
"L'assassinat de ce journaliste tombe au mauvais moment. Dans un an, nous aurons des élections présidentielles. Le président de la République est candidat à sa propre succession. Dans les jours qui suivent, on va avoir sur le dos, si ce n'est déjà fait, les associations des droits de l'homme et d'autres officines satellites des gouvernements occidentaux opposés au régime du président de la République. Ils n'hésiteront pas à crier sur des plateaux télés que le Gabon est une dictature."

L'écriture de Janis Otsiemi est toujours aussi vive et imagée. Avec toutes ces affaires et ces deux équipes d'enquêteurs, le rythme est rapide, il se passe toujours quelque chose sur l'un ou l'autre des dossiers et l'ensemble donne beaucoup d'informations sur la société gabonaise, à la fois sur le quotidien des habitants mais aussi sur le rapport à l'argent, à la corruption, au pouvoir que certains détiennent, au rôle joué par des entreprises internationales et au travail difficile des journalistes indépendants. Encore un roman passionnant d'un auteur qu'il ne faut surtout pas perdre de vue et qui, de livre en livre, construit une œuvre aussi riche qu'originale.

Serge Cabrol 
(09/12/13)    



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Noir & polar









Editions Jigal
208 pages - 16,80 €



Pocket
(Avril 2016)
216 pages - 5,40 €







Janis Otsiemi,

né en 1976 au Gabon a publié une douzaine de livres dans divers genres littéraires (poésie, essai, nouvelles…), dont quatre romans policiers chez Jigal. Il a obtenu le Prix Gabonais du roman 2010 pour La vie est un sale boulot (Jigal, 2009). Il vit et travaille à Libreville.





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