Quelle réalité ? Le titre nous l’indique : les cauchemars. Un homme obèse et aveugle est rongé par ceux qui, nuit ou jour, viennent le hanter. Pour s’en débarrasser, il engage une jeune fille à qui il les raconte. Celle-ci les interprète selon une psychologie qui tient du merveilleux évoqué plus haut. Le cheminement conduira à une issue inattendue.

À chaque ligne, on retrouve avec plaisir la plume de Véronique Ovaldé. Dans un style fluide aux apparences simples, elle nous fait entrer dans les méandres du crépuscule psychique. Ou du crépuscule tout court puisque l’homme, par sa cécité, côtoie régulièrement les ténèbres. On pourrait penser à Borges si Borges avait été obèse ; obèse et mexicain puisque tout se passe là-bas, près du Pacifique et des plages où rode une bien étrange population.

À cet univers de l’écrivain s’ajoutent des dessins de Véronique Dorey. En noir et blanc, ils ont une élégance qui fait parfois penser aux illustrations du grand Claude Ponti. De racines en corps rongés, tout nous plonge dans l’inquiétude des cauchemars. Ceux de l’homme obèse et aveugle mais peut-être pas seulement. Il y a aussi ceux des habitants de la plage : cauchemars aux yeux ouverts, plus concrets, plus quotidiens, plus réels. Ceux que la dureté que la vie apporte.

L’ensemble forme un objet vraiment rare, qui plaira à tout amateur de textes inclassables. Onirisme du récit, pureté du trait dans les nombreux motifs de la dessinatrice, tels sont les caractéristiques principales de l’ouvrage. Un superbe travail d’osmose. Une magnifique réalisation à quatre mains.

On aimerait pouvoir trouver plus souvent de telles formes artistiques.

Isabelle Rossignol 
(22/11/16)