Retour à l'accueil du site





Patrick PÉCHEROT


Une plaie ouverte


En 1905, un détective de l’agence Pinkerton parcourt les États-Unis pour tenter de retrouver un certain Valentin Dana. En suivant la trace du Wild West Show de Buffalo Bill, où Dana se serait produit en même temps  que Calamity Jane, ou chez les quakers de Philadelphie, Matthew J. Velmont traque l’ombre d’un homme qui semble lui échapper à chaque fois qu’il croit s’en approcher. Mais qui est ce Valentin Dana ?  On sait qu’il a été condamné à mort par contumace en juin 1871 mais pour quel crime ? Et qui paie le détective privé pour le rechercher ? Pour trouver les réponses à ces questions, Patrick Pécherot nous ramène à Paris pendant la Commune...

Au cœur du roman se situe la Commune de Paris. De la défaite de Sedan en septembre 1870 où Napoléon III est capturé jusqu’à la semaine sanglante de mai 1871, l’auteur nous entraîne à travers Paris sur les traces du soupçonneux Marceau et du mystérieux Dana. On y croise Jules Vallès, Gill, le caricaturiste, Louise Michel, l’institutrice intransigeante, mais aussi Verlaine, Rimbaud et le peintre Courbet. On les suit à la pension Laveur, rue des Poitevins, à La Marmite, le restaurant coopératif d’Eugène Varlin et Nathalie Lemel, rue Larrey, ou encore chez le Père Lamotte, à la barrière d’Asnières, mi guinguette, mi-relais de poste. On y trinquait au vin bourru ou à celui de Suresnes. Blanc et frais comme une rosée. Le soleil s'invitait gentiment. On avait dressé trois tables sous un cerisier impatient de fleurir. Dana, sur sa chaise paillée, les jambes étendues. La pipe au bec, son long tuyau. Une pipe à fumer dans la lenteur des choses, avec des gestes de doux brigand. Il étudiait les siens. Ses mains, fines à faire rêver. Toujours posées où il fallait. La grâce au bout des doigts. Des mains d'artiste. Ou de faussaire. Dana, taiseux. Les yeux lointains. Rien ne lui échappe. Qui se doutait ? Son silence, pensé, lui aussi. Un rôle qu'il se compose. Songeur. Un genre. Juste ce qu'il faut de mystère.
On les retrouve aussi au square de la rue Haxo où cinquante otages, surtout des prêtres et gendarmes versaillais emprisonnés à la Roquette, sont fusillés par les communards pendant la Semaine sanglante, le 26 mai 1871. Mais le nombre de cadavres ne correspond pas au nombre d’otages. Qui est le cinquante et unième mort ? Tué par qui ? Pourquoi ? Marceau a sa petite idée qui va devenir une idée fixe et le mener sur les traces de Dana jusqu’au seuil de la folie...

La photographie prend ici aussi une place importante. Comme dans L’homme à la carabine où les clichés d’André Soudy, membre de la bande à Bonnot, étaient présents jusque sur la couverture. Ici, ce sont les œuvres du photographe Etienne Carjat, auteur d’une célèbre photo de Rimbaud, qui sont mises en lumière et notamment ce cliché où Valentin Dana garde pour l’éternité l’aspect de ses vingt-cinq ans. Il y a aussi les photos retrouvées par Marceau dans la boîte d’un bouquiniste du quai de la Mégisserie. La Commune en images...

Mais c’est grâce au cinématographe que Marceau pense retrouver la trace de Dana. Il est persuadé de reconnaître ses mains dans un des premiers et très courts westerns tournés en Amérique par les studios Edison. Grâce à Charles Pathé, Marceau va chercher à en savoir plus. Idée fixe !

De roman en roman, Patrick Pécherot nous fait remonter le temps. La période 1926-1940 pour la trilogie du détective Nestor (Belleville-Barcelone, Les brouillards de la Butte et Boulevard des branques), la guerre de 14-18 avec Tranchecaille, la fin de la bande à Bonnot en 1912-1913 avec L’homme à la carabine, et maintenant la Commune et le tout début du XXe siècle. Les romans, toujours traversés par des personnages ayant réellement existé, nous dépeignent avec subtilité l’atmosphère de ces époques. On y croise des artistes, des anarchistes, des révolutionnaires, parmi tout un peuple de gens ordinaires qui doivent se débrouiller pour survivre malgré les troubles qui agitent la société. Certains y laissent la vie, d’autres en réchappent, ça tient parfois à peu de chose.
Roman noir sur fond d’histoire, Une plaie ouverte est une nouvelle étape dans le parcours de Patrick Pécherot, un auteur qui construit une œuvre cohérente et passionnante depuis près de vingt ans. Après avoir fermé ce livre, vous pouvez vous plonger dans les précédents, ils sont quasiment tous parus en Folio...

Serge Cabrol 
(06/10/15)    



Retour
Sommaire
Noir & polar







Gallimard
(Septembre 2015)
Série Noire
272 pages - 16,90 €





Photo © Luc Peillon

Site de l'auteur :

www.pecherot.com





Découvrir sur notre site
d'autres livres
du même auteur :


Soleil noir





L'affaire Jules Bathias