Un superbe texte de René Pons, premier livret, numéroté 12, d'une série spéciale des Editions Rhubarbe, "2004-2014 dix ans d'édition", qui s'achèvera en décembre 2014 avec le numéro 1.

René Pons se remémore ses dix ans, au moment de la Seconde Guerre mondiale, quand il vivait avec ses parents dans la maison de ses grands-parents.

L'auteur évoque le temps qui passe et les souvenirs d'enfance : « Le moindre mot, soudain entendu ou lu au moment où nous nous y attendions le moins, peut provoquer un ébranlement de la mémoire et déclenche l'enchaînement des souvenirs. Entendre ou lire ces deux mots, dix ans, me ramène soudain soixante-dix ans en arrière et fait tourbillonner dans ma pensée des flots d'images désordonnées. S'il fallait que je dise ce que je faisais exactement quand j'avais dix ans, je ne le pourrais pas : j'étais alors dans la soucieuse insouciance de l'enfance qui saute sans cesse du coq à l'âne. Je traversais l'une des périodes les plus tragiques de l'histoire, mais j'étais incapable de concevoir l'énormité du désastre. »

Nous cheminons dans l'existence de ce jeune garçon du point de vue de l'homme mûr qu'est actuellement René Pons qui doute toujours, malgré ses nombreuses publications, de l'intérêt de ce qu'il écrit. Il craint toujours de se répéter mais dans chacun de ses ouvrages il ouvre un angle nouveau pour notre regard de lecteur.

Il avoue que la guerre distrayait l'enfant qu'il était. Il nous parle aussi de sa passion pour les mots, de sa découverte de la littérature et de son désir de devenir écrivain en lisant une version abrégée de Moby Dick offerte par des amis de ses parents : « Au fond, je suis un fanatique du hasard. On me dira que ce hasard, il faut savoir le saisir avec ses possibilités, et pour le saisir, il faut être doté de cette qualité dont on fait trop souvent un défaut : la curiosité. Et curieux, je l'étais au plus haut point. » René Pons évoque aussi sa passion pour les arts plastiques née de rencontres de hasard, lui qui a participé à de nombreux livres d'artistes.

Il parle très bien du bonheur de la lecture : « Aujourd'hui, où nous vivons dans la prolifération de l'image, qu'on ne s'y trompe pas, rien ne saurait remplacer l'inépuisable faculté évocatoire de la lecture. »

Un très agréable moment de lecture dans ce texte sous forme d'autobiographie littéraire.

Brigitte Aubonnet 
(20/05/14)