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Marie-Sabine ROGER


Trente-six chandelles


Mortimer Decime doit mourir à onze heures le jour de ses 36 ans, c’est le sort réservé à tous les hommes de sa famille depuis plusieurs générations. Il s’y prépare depuis bien longtemps mais Paquita, une amie, arrive chez lui : « On a beau essayer de prévoir l'imprévisible, l'intempestif survient au plus mauvais moment : je m'apprêtais à mourir. Décéder fait partie de ces moments intimes qui supportent assez mal les témoins importuns. »
Mortimer avait pourtant tout prévu sauf l’arrivée de son amie : « Je m'étais préparé de longue date, en vue de ce dernier instant. J'avais résilié mon bail pour la fin du mois. Le ménage était fait, poubelles sorties, placards et réfrigérateur vidés, vitres et sol à peu près impeccables. Je venais de couper le gaz et l'électricité, après mon café du matin. »
Nous voilà dans l’ambiance dès la première page.

Grâce à une écriture fluide et des images efficaces et dynamiques nous voguons avec ironie et humour, même dans les moments difficiles, dans le passé de Mortimer qui s’entremêle brillamment au présent. Il nous raconte la malédiction de sa famille, ainsi que la façon dont il a rencontré Paquita qui vit avec Nassardine avec qui elle vend des crêpes dans un camion devant le lycée où étudiait Mortimer. Ils sont quasiment devenus ses parents adoptifs. Comme Paquita l’a découvert chez lui prêt à mourir, il leur raconte toute son histoire. Ils vont l’accompagner dans son cheminement.

Paquita s’habille comme une prostituée et Nassardine, ouvrier sur un chantier et venu d’Algérie, est tombé amoureux de cette femme si belle : « Nassardine venait d'être touché par la grâce. Pas seulement de ce corps magnifique, ce corps de page centrale pour journaux masculins, mais aussi de ces grands yeux verts, lumineux et confiants. Des yeux doux de maman, ou de petite fille.
Et Paquita, de son côté, elle n'a pas vu en lui l'immigré sans le sou qui venait traîner sa solitude dans l'espoir inutile de trouver une fille, mais un homme du désert, un beau guerrier barbare, au regard brun plus chaud qu'une tasse de chocolat. »
   
Beaucoup d’autodérision de la part de Mortimer qui est un fieffé pessimiste et qui, un jour de pluie, va rencontrer Jasmine une jeune femme qui profite de la vie, qui veut aider les autres : « Est-ce que le simple fait de se préoccuper des autres pouvait suffire à remonter le moral ? La théorie était intéressante, il restait à la vérifier. L'idée avait fait son chemin et, quelques jours plus tard, elle s'était assise sur un banc et s'était mise à pleurer. Comme ça. Juste pour voir. »
Jasmine n’hésite pas à faire ce dont elle a envie ce qui modifie le fonctionnement de Mortimer : « Je vivais plus et mieux quand j'étais avec elle. Elle m'insufflait une énergie nouvelle. Ma rencontre avec elle avait changé d'un coup ma morne trajectoire en parcours imprévu de boule de flipper. »

Comment réussir sa vie quand on a de multiples secrets de famille à porter et que, contrairement à tout le monde, on connaît le jour de sa mort ? Chacun sait qu’il va mourir mais espère que ce sera le plus tard possible. Peut-on vivre avec une malédiction qui empoisonne tous les désirs ? Peut-on enfin oser exister ? « Les secrets de famille sont de noires araignées qui tissent autour de nous une toile collante. Plus le temps passe, plus on est ligoté, bâillonné, serré dans une gangue. Incapable de bouger, de parler. D'exister. »

Le thème de la mort est abordé avec beaucoup de délicatesse et d’humour. On ne lâche pas le roman et l’on en sort ragaillardi pour se dire qu’il n’y a pas une minute à perdre puisque nous sommes tous mortels.

Brigitte Aubonnet 
(18/09/14)    



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Editions du Rouergue

(Août 2014)
Collection La Brune
288 pages - 20 €






Marie-Sabine Roger,
née en 1957, se consacre aujourd'hui à l'écriture. Elle est l'auteur de plusieurs dizaines de livres pour les enfants, les adolescents
et les adultes.



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