Retour à l'accueil du site
Retour Sommaire Nouvelles





Annie SAUMONT


Tu souris, tu accélères



Un couple dans une voiture, elle, est très inquiète, lui, a les mains sur le volant, les phares sont allumés. Ils s’enfoncent dans une forêt. Elle aurait aimé avoir un enfant de lui. On apprend qu’il a été hospitalisé plusieurs mois. Elle a peur : « Excuse-moi. Tu plisses le front, je t’agace. Je me demande pourquoi tu tiens tant à vivre avec moi. Ou bien veux-tu seulement m’éloigner de Roberstein ? ». L’écriture économe et précise d’Annie Saumont, que nous retrouvons avec grand plaisir, nous fait percevoir cette angoisse tout au long du texte : « Tu as arrêté la voiture, on s’enfonce dans la forêt, tu vas me tuer. »

Roberstein et elle, ont eu une relation dans le passé mais le flou persiste sur cette période tout en s’insinuant continument dans le présent. Elle a des regrets. Le personnage de Stella apparaît aussi mais Annie Saumont soulève le voile sur le passé sans révéler la totalité des événements qui se sont déroulés. C’est au lecteur de poursuivre le travail d’imagination et de création. La femme, dans ses pensées, s’adresse à son mari en l’interpelant au « tu » comme pour marquer une distance. Le « nous » qu’ils ont pu former se divise en un « tu » et un « je » qui ont du mal à échanger.

La narratrice est obsédée par ses terreurs, elle croise des fillettes et elle imagine qu’elles sont en danger de viol. Elle perçoit les moindres indices qui, en effet, peuvent être inquiétants : « Je t’ai dit que j’ai vu. Une enfant de dix ou onze ans. Je te jure que j’ai vu son visage. J’ai vu qu’elle avait peur. »

Comme des morceaux de puzzle le récit se construit sous nos yeux tout en restant en suspens. Les phrases sont courtes comme dans l’essoufflement de l’angoisse ou de l’étouffement : « Après, j’étais malade, tu venais dans ma chambre sur la pointe des pieds, tu parlais bas. Un jour j’ai crié que j’en avais assez de cette atmosphère étouffante. […] Tu te rappelles ma voix épouvantable lorsque j’ai dit, Où est Stella ? » 

Des fragments de phrases réapparaissent au fil du récit rythmant les retours en arrière de la narratrice qui ressasse sa mélancolie.

Les illustrations de Valérie du Chéné percent les ténèbres dans les premières et les dernières pages du recueil comme les phares de la voiture dans le sombre de la nuit parsemée d’étoiles au cœur de la forêt. Sous forme de traits de fusain les personnages s’éloignent et se retrouvent au fil des pages dans la sobriété de leur communication éteinte et de la distance qui s’installe entre eux.  

Un très beau texte d’Annie Saumont qui a trouvé son origine dans l’un des romans qu’elle a publiés en 1963, Marcher dans les déserts, avant de se consacrer entièrement à l’écriture de nouvelles.

Brigitte Aubonnet 
(23/08/14)    



Retour
Sommaire
Lectures








Chemin de Fer

(Novembre 2013)
102 pages - 15 €






Découvrir sur notre site
d'autres livres
du même auteur :

Un pique-nique
en Lorraine

Koman sa sécri émé ?

Qu'est-ce qu'il y a
dans la rue
qui t'intéresse tellement ?

Les croissants du dimanche

Autrefois, le mois dernier

Encore une belle journée

Le tapis du salon

Le pont

Un si beau parterre
de pétunias