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Laurence TARDIEU

À la fin le silence


Il y a des guerres intimes. Celle, par exemple, que Laurence Tardieu mène pour ne pas perdre la maison de son enfance. La fratrie veut la vendre – les frais, la distance, la mort de la mère, tous les arguments sont bons pour justifier cette vente. Mais que fait-on des souvenirs, des odeurs, des voix de la maison ? La perte semble impossible. Avec brio, Laurence Tardieu le dit, l’écrit, le décrit.

Et puis surgit une autre guerre. Celle qui s’est abattue sur nos terrasses, dans un supermarché Cacher, à une porte de Paris et, avant cela, dans une salle de rédaction bien connue. Morts, morts, partout des morts. Face à cette horreur, l’horreur de cette guerre-là, comment l’autre peut-elle tenir ? Comment peut-elle même exister ?

Laurence Tardieu, avec émotion et intelligence, écrit cette fracture. Il y avait une unité dans le vivant mais, depuis que le 7 janvier et ses événements ont eu lieu, cette unité est morte. « Avant, c’était ainsi, désormais ce sera comme ça » écrit l’auteure, hantée par cette rupture qui oblige à revisiter la vie.

La Vie avec une majuscule mais aussi la vie minuscule, quotidienne, personnelle. Prendre un métro, conduire son enfant à l’école, en mettre un au monde, comment le faire encore quand la mort peut à chaque instant tout emporter, quand l’imprévisible est entré dans les vies ?

Cet imprévisible, Laurence Tardieu sait pourtant qu’il est inhérent à la vie même. Naître, c’est commencer le combat pour vivre et mourir à la fois. C’est savoir que le combat peut s’achever en une fraction de seconde. La guerre qui tue nous rappelle cela : l’imprévisible est la matière même du vivant.

Que faire  alors ? Que faire sinon rester en vie. Sinon faire l’apologie du vivant. Sinon l’encenser. Sinon naître chaque jour et regarder la feuille, la main, le ciel avec l’œil émerveillé de l’enfant qui vient au monde. C’est ce que Laurence Tardieu propose, sans fausse innoncence. Au contraire, c’est avec sagesse qu’elle propose cette « solution » : plonger dans tout ce que l’on voit et s’en abreuver.

Dans une langue qui tour à tour hurle et espère, À la fin le silence est un livre d’exception. Le livre que chacun aurait aimé écrire pour dire sa peine et sa colère au lendemain de la mort des journalistes de Charlie Hebdo. Laurence Tardieu ne l’ignore pas : la voie est ouverte pour que d’autres morts surviennent. La lisant, on pense d’ailleurs à ceux de l’été, à Nice. Nice où se trouve la maison d’enfance de l’auteure, elle qui sera bel et bien perdue.

Guerres perdues. Le livre se clôt sur cela. Mais aucun désespoir. Car le nouveau né est là et, lui, sait regarder. Dans sa direction, allons aussi. Avec la force de la candeur.

Isabelle Rossignol 
(24/10/16)    



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Lectures









Éditions du Seuil

176 pages - 16 €





Laurence Tardieu,
née en 1972 à Marseille,
a déjà publié dix livres
et obtenu plusieurs
prix littéraires.



Bio-bibliographie
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