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Alexandra VARRIN

Une semaine dans la vie de Stephen King



On se souvient peut-être qu’en 1980 le Mercure de France publiait un récit de Sandra Thomas intitulé La Barbaresque. L’auteur y décrivait sa passion de « fan » pour la chanteuse Barbara, et découvrait ensuite que cette passion avait pour base, outre la fascination et une certaine solitude, son ascendance berbère – la voyelle a avait remplacé le e du père, Barbara, berbère… Souvent – toujours – le fan absolu cache une blessure absolue. Alexandra Varrin est une fan absolue de l’écrivain américain Stephen King. Mais sa blessure, elle la connaît d’avance, et la revendique : « Voir de mes propres yeux que Stephen King est une belle personne en plus d’un grand écrivain, c’est comme apprendre que mon père, que je n’ai jamais connu, aurait été résistant pendant la guerre et sauvé des tas de vies » (p.168).

Du 12 au 16 novembre 2013, Stephen King est à Paris pour la promotion de son dernier ouvrage paru en français : Docteur Sleep, la suite de Shining. On peine à imaginer ce que sa venue en Europe a représenté. Voilà que des foules entières se déplacent pour écouter un écrivain, que des lecteurs viennent de tous les pays d’Europe et font le pied de grue durant des heures – une nuit entière – devant les grilles du MK2 afin de se faire dédicacer un ouvrage. Alexandra Varrin assiste à toutes les apparitions publiques de Stephen King en France. Elle a fait tout son possible – et elle y a réussi – afin de ne rater aucune de ses interventions. C’est qu’entre elle et lui, le lien est fort. La jeune fille, lorsqu’elle était enfant, surdouée, éduquée par ses grands-parents en Franche-Comté – région dans laquelle elle voit des ressemblances avec le Maine omniprésent dans l’œuvre de l’auteur américain –, a trouvé dans les romans de King des échos révélateurs de la condition de l’enfance, et de l’adolescence, et de ses propres terreurs. Monomaniaque, elle ne lisait plus que ses romans, les empruntant à la bibliothèque, se les faisant offrir pour Noël ou les anniversaires, allant jusqu’à voler des Tamagotchis pour les revendre dans la cour de l’école et acheter des livres avec l’argent récolté. Il ne lui est jamais venu à l’esprit de voler directement les livres. Ça, c’était mal. King fait partie de sa vie. Comme le dit Annie Wilkes dans Misery, elle est « sa plus fervente admiratrice ». Admiratrice au point de se faire tatouer sur le corps des motifs se rapportant aux romans de King. Sur la couverture de son récit, on la voit, blanche dans une baignoire blanche, dégageant son bras droit sur lequel se détache, multicolore, le clown de Ça, ballons de baudruche au poing.
 
Le grand œuvre de Stephen King, pour Alexandra Varrin et pour l’auteur lui-même, c’est le cycle de La Tour sombre. Une histoire où il est question d’équilibre des mondes et de sacrifices d’enfants, dont la publication étalée sur plusieurs années a suivi le passage de la petite fille de l’enfance à l’adolescence, jusqu’à l’avènement de la jeune femme, de la femme. Elle a d’ailleurs une interprétation personnelle du parcours de l’Homme en noir et de Roland, les deux personnages principaux de La Tour sombre, qu’elle n’osera pas proposer à Stephen King.
 
Lucide dans l’admiration, Alexandra Varrin sait à quoi s’en tenir dans la relation qu’elle entretient avec l’auteur américain. À l’inverse des fans fous furieux, elle ne veut pas le rencontrer pour elle-même, mais pour lui. La relation n’est pas faussée, la fan ne fantasme pas, et se projette peu. Au contraire, dans l’hommage qu’elle rend à l’écrivain, elle montre une capacité d’analyse de ses œuvres, une clairvoyance et une profondeur de lecture qui sont celles de la vraie lectrice. Stephen King ne s’y trompe pas : il la reconnaît comme telle. Ils se serreront trois ou quatre fois la main, échangeront trois phrases, elle lui fera quelques cadeaux – un disque, un carnet, de la pâte à tartiner…

Dans son récit, Alexandra Varrin est d’une sincérité joyeuse et ironique. Le portrait qu’elle dessine d’elle doit beaucoup à son auteur de prédilection : on découvre une petite fille, puis une jeune femme, qui a appris à surmonter ses peurs et ses faiblesses, ou tout au moins à les affronter.

Christine Bini 
(04/09/14)    
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Lectures








Léo Scheer

(Septembre 2014)
252 pages - 19 €






Alexandra Varrin,
née en 1985, vit à Paris.
Une semaine dans la vie de Stephen King est son cinquième roman.





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