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Julie Duval étudie le japonais à Paris. C'est une jeune fille passionnée par ses études, réservée et solitaire. Julie est de celles qu'on abandonne : son père quand elle était encore toute petite pour partir aux USA ; sa mère qui l’a laissée aux bons soins de la grand-mère pour vivre comme elle l'entendait ; et enfin ce jeune homme qu'elle avait pris pour le grand amour. Aussi quand Keiko, à peine plus âgée qu'elle, l'aborde à l'université pour des cours particuliers qui prendraient la forme de conversations sur la culture et la façon de vivre de leurs pays pour parfaire leurs connaissances, quand ceux-ci s'intensifient et que leur relation prend une tournure complice et amicale, Julie s'en réjouit. Son excitation est à son comble quand sa nouvelle amie l'invite à passer des vacances dans son pays natal. Après de longs mois de cette « rééducation » épuisante et un bref séjour en prison pour s'assurer de sa « loyauté envers le régime », Julie se retrouve dans une demeure isolée en pleine campagne, mandatée par le « camarade O » pour enseigner la langue, la culture et les mœurs françaises à une jeune Coréenne destinée aux fonctions diplomatiques de « rapprochement du peuple coréen avec le reste du monde par la diffusion du kimilsungisme ». La jeune campagnarde est attachante et cette parenthèse serait presque agréable s'il n'y avait la présence de Hwang, ce moniteur chargé de les surveiller qui précipitera la fin de cet épisode. La troisième partie du roman nous amène à Séoul auprès de Philippe Martel, un ingénieur français venu pour raisons professionnelles en Corée du Sud trois ans plus tôt. Le trentenaire sans rien y comprendre se retrouve mêlé, par l'intermédiaire de sa fiancée Mi-Kyung Yoon rencontrée au travail, à une histoire d'espionnage avec présomption d'attentat commandité par la Corée du Nord... Là-bas, Julie, toujours retenue à Pyongyang où elle donne maintenant des cours à l'université d'études étrangères, s'est mariée avec un déserteur américain ayant franchi le « pont sans retour » (zone frontière entre les deux parties de la péninsule séparées depuis 1953) qui y enseigne l'anglais. Un garçon naîtra de cette union harmonieuse. C'est alors que, dans des circonstances rocambolesques, quand plus rien ne le laissait espérer, l'occasion se présentera pour l'otage de retrouver sa liberté...
Un roman saisissant qui, s'il nous transporte en Corée et notamment au cœur de la dictature de Kim Jong-il, n'a rien d'un documentaire. Certes l'auteur y démonte de façon précise les rouages du régime et du « Juche », dénonce l'enlèvement d'un certain nombre d'étrangers retenus de force en Corée du Nord pour servir le pays (faits reconnus en novembre 2002 par Kim Jong-il lui même), décrit en détail l'endoctrinement qu'on leur fait subir sur place et le sort qui leur est réservé, souligne le fossé infranchissable qui sépare le Nord et le Sud, mais le parti pris de celui qui avoue avoir trouvé peu de documentation sur le sujet reste fondamentalement littéraire. La richesse du roman réside également dans le soin tout particulier porté aux personnages. Si Julie Duval est une proie idéale pour les activistes par sa maîtrise du japonais et son isolement, c'est sa psychologie, son fatalisme et sa docilité qui rendent ses réactions crédibles quand, confrontée aux incompréhensibles codes et usages du système nord-coréen qui lui sont imposés, elle apprend à les maîtriser sans révolte et sans questions sur le rôle qui lui est dévolu. Les personnages qui la côtoient comme l'énigmatique « camarade O » instrument du régime qui veille sur elle comme un ange-gardien ambigu, Takedo le passionné de rock’n’roll japonais, Harumi sa colocataire, Ae Cha sa mystérieuse élève, Jim l'Américain épicurien et facétieux, ne se contentent pas de faire de la figuration. Ils habitent le roman d'une vraie présence en y ajoutant leur partition personnelle qui vient enrichir la fresque du kimilsungisme et compléter notre compréhension du milieu tout en « égayant » notre lecture. Ils accompagnent aussi de façon crédible les multiples rebondissements qui jalonnent le dramatique destin de la petite Française. La rigueur de la structure, le rythme soutenu et la clarté de la narration viennent justement renforcer l'efficacité de ce premier roman somme toute convaincant. Dominique Baillon-Lalande |
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