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« Rien n’est donné ici, et moins encore aux étudiants rouges, contraints comme tous de trouver une poche d’air entre les narcos d’un côté et l’armée de l’autre. ». Parvenu à destination, le Mexicain se retrouve bien vite entre les griffes de Parker Hayes, un magnat du Net de la Silicon Valley, richissime fondateur de Cashflow, mécène à ses heures et apprenti sorcier obsédé par le transhumanisme. Il vient de recruter à prix d'or Adèle Cara, une brillante biologiste française spécialisée dans les cellules souches, pour perfectionner son programme. Maîtriser la mort et la jeunesse est la seule chose qui fait encore rêver le milliardaire qui possède déjà le pouvoir économique, politique et social. À ses heures de repos, en manque de programmation, Álvaro se lie avec le vieux Werner Fehrenbach et la jeune Lin Dai, cette élite d'Internet qui s'oppose avec virulence à cet état de fait, élaborant avec leur réseau international une « intelligence qui circule de manière fluide » sans qu’argent et pouvoir ne viennent dévier son cours. Adèle parfois les rejoint. La chercheuse française qui « connaît parfaitement ces gars-là […] c’est une bande de dingues qui ont envahi tous les domaines scientifiques et technologiques, une secte maquillée en pensée libre et transversale, des fanatiques de la pureté qui rêvent d’immortalité, de cerveaux téléchargés sur des disques durs et d’humains sans corps » est définitivement plus séduite par les moyens scientifiques extraordinaires du laboratoire américain qui l'emploie que par les délires transhumanistes de son patron. Une défiance idéologique qui l’amènera rapidement à ressentir des scrupules éthiques quant à son travail. Doutes qui se conjugueront par la suite avec une lutte clandestine contre cette attirance amoureuse qu'elle ressent pour son cobaye. Cela juste au moment où Parker Hayes s'éprend d'un autre rêve : créer sur une île un pays dont il serait le seul maître. « Quand les Américains se sont arrêtés dans leur conquête de l'Ouest, faute de territoires nouveaux à conquérir, ils ont commencé à envahir le monde. […] On manque de pays. On s’emmerde dans le nôtre. Il prendrait la forme d’une île artificielle flottant au large de San Francisco, bâtie par ses soins, où l’on pourrait vivre loin de l’État, des lois, des obligations sociales. On pourrait créer en paix l’homme et la société du futur. » « J’ai imaginé un roman sans centre, fait de plis et de passages, de liens, d’hypertextes, qui dédoublerait le mouvement du monde contemporain en adoptant Internet comme sujet et comme forme. L’invention des corps tresse des liens entre les hackers d’Anonymous et les transhumanistes de la Silicon Valley, la violence du monde et son envers aseptisé. Face aux transhumanistes, savants fous qui souhaitent l’avènement d’un homme nouveau, va se dresser une bande de pirates du XXIe siècle. » explique l'auteur sur le site de l'éditeur. Et si le bagage scientifique m'a quelque peu manqué pour décrypter toutes les informations concernant la biologie et l'informatique, cela ne m'a pas empêchée de me faire embarquer par le souffle, la cohérence, l'amplitude, le rythme et le sens du suspense dont l'écrivain a usé dans son roman pour attirer l'attention du lecteur sur les enjeux et les dangers de cette modernité qui s'impose à nous de façon prégnante. Un livre surprenant, tendu, urgent dans l’écriture comme dans le propos où le fait divers tutoie l’événement historique et qui renvoie le lecteur à des questions éthiques et philosophiques. Original et pertinent. Dominique Baillon-Lalande (21/09/17) |
Sommaire Lectures Actes Sud (Août 2017) 304 pages - 20 €
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