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Nancy HUSTON

Sensations fortes



Ce sont neuf nouvelles écrites entre 1975 et 1997 qui sont réunies dans ce recueil.
Certaines sont à la limite du fantastique, comme « Film muet » qui propose simultanément deux fins à ce récit, l’une tragique, l’autre heureuse. Ou comme « Le Mur des perturbations » où l’on assiste à l’inauguration du nouveau Mur de Berlin, l’ancien ayant été habillé par Christo. Tous les grands de la Terre sont présents, orchestres militaires, allocutions officielles à crever de rire, acrobates et foules agglutinées. Mais quelques incidents vont perturber le protocole…

D’autres nous glacent le sang, comme « Carpentras » qui met en scène l’horrible  profanation du cimetière juif. Mais avec un ton en permanence décalé qui nous aide à nous en protéger. « Ils arrivent la nuit, au fin fond de la nuit, comme des fantômes, des esprits revenus d’entre les morts, le père de Hamlet par exemple encore qu’ils n’aient sans doute jamais entendu parler de Hamlet ou de son père. »
 
Ou encore, « Places numérotées ». À partir d’une scène réelle, observée dans le métro, Nancy Huston laisse son imagination inventer le pire, tourner à vide dans un rêve éveillé cauchemardesque. Des souvenirs de ses rêves d’enfant où elle se perd dans le bus ou le métro resurgissent.

Dans « La joie de l’arbre » il s’agit d’une femme qui se mue en arbre. C’est un conte philosophique sur ce qui vit et ce qui meurt.

Dans « Deux voyages retour simple » Nancy Huston raconte la tentative de fugue qu’elle avait imaginée avec son frère quand ils vivaient à Edmonton. Elle avait six ans, son frère guère plus.

La nouvelle « La Sainte Famille » qui ouvre le récit m’a particulièrement touchée. Deux sœurs participent au repas de Noël avec leurs grands-parents  allemands qui leur sont inconnus. Comme leur est inconnu l’allemand, « chante ! chante les cantiques de Noël  dans cette langue nouvelle et étrange, oui ici on mange de la langue aussi, sens les formes croustillantes de ces nouvelles consonnes sur tes lèvres et sous tes dents, ces nouvelles voyelles dans ta gorge, dankeschön, bitteschön […] et bien sûr que tu retrouveras ton père et ton frère un jour ne t’inquiète pas… » Cette nouvelle est écrite en une seule phrase de quatre pages et on ne s’en rend pas compte à la première lecture tant on a le souffle coupé par la conversation ininterrompue de la grand-mère, par les goûts nouveaux, les mots nouveaux, les habitudes de vie qui semblent étranges, les silences et les non-dits.

Les nouvelles de Nancy Huston illustrent  le thème des sensations de multiples manières ; ici  le goût (La Sainte famille), là, le toucher (Places numérotées), l’odorat (Carpentras), la vision (le Mur des Perturbations), l’audition (La Pleureuse). Ce n’est pas tout à fait l’écriture de Nancy Huston connue dans ses romans, c’est une autre écriture qu’on découvre, d’autres univers plus oniriques, plus fantastiques.

Nadine Dutier 
(26/10/17)    



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Lectures








Actes Sud

Collection Essences
(Octobre 2017)
96 pages - 12 €



Nancy Huston,
née au Canada, a écrit plusieurs dizaines de livres (théâtre, essais, romans...) et obtenu plusieurs prix littéraires dont le Goncourt des lycéens, le prix du Livre Inter, le Femina...

Bio-bibliographie sur
Wikipédia



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