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Isabelle PANDAZOPOULOS

Double faute


Ulysse, 17 ans, est sur un court de tennis, au début d’un match important. Il pense à son frère, à ses parents, et commence par une double faute. Toute sa vie lui revient d’un coup et il se demande ce qu’il fait là. Le roman est une parenthèse dans ce match, où Ulysse voit défiler toute son existence dont le tennis devait être l’essentiel pour lui comme pour son frère. Ainsi en avait décidé leur père. À peine avaient-ils quatre ans qu’il les entraînait comme de futurs champions...

La première étape de ce flash back est un saut en arrière d’un an. Ulysse a déjà abandonné le tennis depuis deux ans et prépare sérieusement son bac  Ludo, son frère aîné (neuf mois de plus), est entré dans une académie sportive et doit participer à la finale d’un tournoi, un match essentiel qui doit lancer sa carrière professionnelle. « C’était d’autant plus inattendu qu’il se retrouve en finale que ça faisait plus de six mois qu’il enchaînait les blessures. Une tendinite à l’épaule gauche  après un claquage au mollet. Tout le monde lui avait conseillé de se reposer. Mais rien que le mot le rendait fou. »
Malheureusement la belle journée ne se passe pas comme prévu.
Ulysse doit présenter un TPE sur le romantisme préparé avec Margault, sa petite amie, et deux autres élèves de la classe. Ils ont travaillé comme des fous depuis quatre mois.  Mais à peine sont-ils entrés dans la salle d’examen où les attend le jury que la CPE et la mère d’Ulysse y entrent à leur tour. Ludovic s’est effondré sur le court pendant sa finale, il est dans le coma...

L’hospitalisation de Ludovic est le temps de la réflexion. Pourquoi Ludo s’est-il ainsi effondré en plein match ? Pourquoi cette rupture d’anévrisme à son âge ?  Quelle est la responsabilité du père si impliqué dans le parcours de son fils ? Et quelle est aussi la responsabilité de Kerkko Lainé, l’entraîneur finlandais de Ludo à l’Académie de tennis ?  Et quelle était vraiment la vie de Ludo ?  Que pensait-il ? À quoi rêvait-il ? Avait-il des amis ? Au fil des pages, de nombreux secrets vont se révéler...

Ulysse passe au crible de la mémoire tous les comportements de son père depuis leur petite enfance, ce désir effréné de faire de ses fils des champions et de leur club un modèle.
« Depuis qu'il était devenu le directeur du club de Maisons-Laffitte, les résultats avaient progressé d'une façon spectaculaire. Ce qui avait assis sa réputation...
... mais n'avait pas suffi à Miguel Alvès, fils de maçon portugais parti de rien et doté d'un sens des affaires hors du commun et d'une énergie gigantesque.
C'est en ces termes que l'on faisait le récit de la vie de mon père dans les articles de presse qui étaient affichés dans le hall d'entrée du club. »
« Mais derrière cette image d’entraîneur exemplaire et intraitable, il y avait quelqu’un d’autre.
J'aurais tant voulu l'admirer et je n'y arrivais pas. [...] Mon père à moi était un homme injuste, violent, caractériel. »

À la sortie de son coma, Ludovic a été transféré dans une clinique qui prend les malades en charge sur le long terme. « Son ergothérapeute, son kiné et même le psychomotricien disent tous la même chose. Ils sont confiants, Ludovic est un battant, il a même une endurance hors du commun. Ses progrès sont spectaculaires. [...] Je ne les crois pas. Je ne vois pas mon frère en train de se battre. Je ne vois qu'un garçon immobile dans une chaise roulante, mutique, le regard vide. Comme privé d'émotions. Et de tout ce qui faisait qu'il était Ludovic Alvès, futur champion de tennis. »

Pour Ulysse, tout a changé avec l’été. La famille a éclaté. La mère est partie dans un petit deux-pièces, le père est resté dans la maison en attendant qu’elle soit vendue et Margault s’est envolée pour les États-Unis. « Elle avait décrété qu’on était trop jeunes pour s’installer dans une vie de couple. Elle avait besoin de se sentir libre de toute attache. Elle m’aimait. Mais elle voulait partir loin. Et découvrir le monde. »
Ulysse s’est installé chez sa grand-mère maternelle pour commencer sa terminale dans un autre lycée et surtout un autre milieu. Quartier chic, lycée parisien réputé et fréquentations haut de gamme dont les parents « étaient journalistes, éditeurs, photographes, dirigeaient des start-up, évoluaient dans le numérique, étaient professeurs à l’université, psychanalystes, chirurgiens, neurologues, etc. [...] C’était un monde doux, protégé, confortable et subtil. Un monde de gens intelligents. » En apparence du moins parce que la belle jeunesse dorée peut aussi se montrer arrogante et impitoyable...

Comment Ulysse, qui a cessé le tennis depuis des années, qui a vécu le drame de son frère devenu l’ombre de lui-même, peut-il se retrouver, comme on l’a vu dans les premières pages du livre, sur un court de tennis pour un match décisif ? « Bon Dieu, mais qu’est-ce que je fous là ? »

Le roman répond à cette question et à bien d’autres encore. Il passionnera tous les jeunes qui voient les champions à la télévision, qui les envient et se demandent comment ils ont pu arriver là. Mais pour quelques élus, combien de laissés pour compte ? Combien de jeunes vies prises en otage par des parents décidés à les mettre dans la lumière ? Ulysse réfléchit, s’interroge, se rebelle, veut comprendre et choisir son chemin. Ce sont toutes ses émotions et ses réflexions qui constituent ce très beau livre, fort, intelligent et salutaire. Encore une belle réussite d’Isabelle Pandazopoulos dont on avait déjà beaucoup aimé un précédent roman paru dans la même collection, On s’est juste embrassés, où la narratrice était Aïcha, une fille de quinze ans. Des livres bouleversants qui donnent la parole aux ados et facilitent l’adhésion des lecteurs s’identifiant très vite au narrateur ou à la narratrice. Un auteur à suivre...

Serge Cabrol 
(13/01/17)    



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Jeunesse









Gallimard jeunesse
Collection Scripto
(Novembre 2016)
208 pages – 9,90 €




Isabelle Pandazopoulos,
née en 1968 d'un père grec et d'une mère allemande, a toujours enseigné dans des zones difficiles. Elle prend désormais en charge des élèves handicapés par des troubles psychiques importants.








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