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Paul PEGARRES


De l’autre côté du miroir



C’est la tentative d’un père pour se mettre à la place de son fils autiste de haut niveau. Il  raconte à la première personne la vie de son fils. Il tente ainsi de  « vaincre les murs de la citadelle » dans laquelle son fils est enfermé.

En lisant ce « témoignage d’empathie » je m’attendais à ce que l’écrivain passe « de l’autre côté du miroir » avec armes et bagages, c’est-à-dire jusqu’à transcrire dans sa langue, dans son style, le vécu et la pensée du jeune autiste. Ce n’est pas le cas. Quand on lit ce qui est censé être le monologue de Pierre, on entend une langue extrêmement châtiée et travaillée, des jeux de mots, les références culturelles de l’auteur. C’est le chemin qui lui était nécessaire pour nous transmettre, au plus près, le ressenti et le fonctionnement mental et comportemental de son fils. Et il réussit car peu à peu nous commençons à prévoir ses réactions à l’avance. Mais mieux que cela, il parvient à nous surprendre et ces surprises sont les meilleurs moments du livre même si la littérature et le roman se substituent au vraisemblable.

La question centrale et récurrente posée par l’auteur-parent  c’est comment appréhender  cette « différence » ? Faut-il y voir une richesse ? Une originalité qui permet d’échapper aux injonctions sociales ? Mais l’ignorance des « différents codes régissant les relations entre individus » devient un véritable handicap. Vivre au contact des autres, malgré son lot de souffrances engendrées, « tant de conjectures impossibles à anticiper », est indispensable pour permettre de progresser et « atteindre progressivement les standards de la normalité ».

A travers ce long monologue qui se veut salvateur, Pierre expose ce qui fait son originalité, explique ses comportements répétitifs, ses fuites devant les situations ingérables, sa forme d’intelligence si différente de celle de ses camarades dès l’école, sa difficulté à comprendre ce qu’on attend de lui, à ressentir ce que les autres éprouvent. « Je reste indifférent aux autres, centré que je suis sur mes propres sensations en ayant le sentiment permanent de l’absolu. C’est comme si je vivais en exil

Il cherche à donner du sens à sa vie  mais surtout à trouver la force d’aller vers les autres. Selon Pierre, c’est l’absence d’imagination qui pénalise le plus les autistes. « L’imagination est une espèce de lame qui découpe dans le brouillard de l’instant l’horizon du possible. En cela elle est bienfaitrice car elle ouvre des portes vers le changement. Pour moi ces portes sont irrémédiablement fermées. » Pierre sait qu’il n’en a pas les clés et qu’il glisse peu à peu dans le silence de la solitude et que cela est dangereux.

L’auteur évoque aussi le thème de l’intégration professionnelle, le plaisir qu’on peut trouver dans un travail répétitif,  et le long chemin vers l’autre. C’est un livre optimiste car Pierre a gagné bien des combats, grâce à son  père et ses éducateurs et professeurs. On les devine,  on ne les voit pas à l’œuvre mais ils sont omniprésents. Pierre n’a pas oublié leurs leçons qui sont devenues des outils de survie en société.

Nadine Dutier 
(11/01/17)    



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Jérôme Do Bentzinger

170 pages - 20 €