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Ce récit romancé, nourri des nombreux voyages de l'auteur dans la forêt amazonienne, évoque une communauté vivant en Équateur dans la région du Rio Napo, à partir de la vie de Lucero Tanguila, le vieux chaman avec lequel elle a construit une relation de vraie proximité. L'homme, petit-fils du grand Baltazar Tanguila qui avait le don de se transformer en tigre, fils d'un guérisseur qui chassait à la sarbacane la couleur des oiseaux, soumis dès l'enfance aux dures rites de l'initiation chamanique, est le témoin d'une civilisation et d'un milieu en voie d'extinction. Et le vieil homme en lutte avec ses chants et ses visions contre la multinationale qui menace l’écosystème, entraîne l'auteur dans cette forêt dont il est le « protecteur ». Il évoque pour elle au fil de longues promenades l'histoire de la colonisation de ce territoire, la vie des nationalités indigènes qui y vivaient, ses ancêtres, sa naissance et son enfance. Il lève pour elle le voile sur ce monde mystérieux à la luxuriante végétation peuplée d'espèces innombrables avec lesquelles il semble communiquer. À travers ces souvenirs partagés, cette « révélation sensible » du microcosme qui l'entoure, le chaman évoque aussi ses craintes face à la disparition de ce monde dont il a passé sa vie à déchiffrer les messages. Ses propres fils, investis à leur tour mais différemment dans la mission de défense de leur culture et leur territoire, travaillent et habitent maintenant « en ville » et ne pratiquent plus la communication avec les esprits de la forêt et des anciens. La forêt est le personnage central de ce roman d'Anne Sibran, cette voyageuse amoureuse de l’Amérique du sud et tout particulièrement de l’Équateur où elle réside régulièrement. Envoûtée et envoûtante, sur les traces de ce chaman mystérieux aussi touchant que fascinant auquel elle rend hommage, l'auteur nous immerge dans cette jungle à la fois magique et dangereuse de façon sensuelle, levant à l'occasion, avec discrétion et pudeur, le voile sur ces hommes qu'elle abrite et qui la chantent. Rapidement la restitution richement documentée laisse place à un conte initiatique où l'auteur abandonne toute rationalité pour, dans cet environnement d'une sauvagerie vierge et absolue, ressentir dans une démarche animiste ce que vivent le tigre ou les autres espèces animales, pour entendre respirer ou pleurer la forêt, en capter les frémissements, les mouvements invisibles et les secrets. À sa suite, le lecteur se laisse embarquer dans cette aventure intense, riche en émotions et hors du commun d'autant plus facilement que sa prose échappe au mysticisme pour se faire éminemment poétique. Et la forme épouse le fond : sur la complexité et le désordre de la jungle se calque une construction éclatée et à la luxuriance foisonnante du microcosme évoqué répond en écho celle de la langue. C'est aussi en double fond la question de la survie de la forêt humide d'Amazonie victime de déforestation, de l'industrie pétrolière et l'exploitation minière qui se profile dans ce véritable plaidoyer pour les tribus qui y sont nées et la multitude d'espèces animales et végétales qui la caractérise. Dominique Baillon-Lalande (24/01/17) |
Sommaire Lectures Gallimard (Janvier 2017) Collection Haute Enfance 240 pages - 19,50 €
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