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Maud SIMONNOT


La nuit pour adresse



Les astres à ma présence ici-bas n’ont rien gagné
Leur gloire à ma déchéance ne sera pas augmentée.
Omar Khayyâm

 

Pourquoi Robert McAlmon, beau, jeune, talentueux, riche, n’est pas devenu le Gatsby magnifique de la littérature qu’il promettait d’être, c’est la question que pose l’essai de Maud Simonnot  qui a emprunté à Aragon ce si joli titre.

Alors que c’est lui-même un écrivain, un poète, il édite, dans les années 20, ses contemporains, les Américains, les expatriés, du « Quarter », un carré magique qui englobait Saint-Germain des Prés et Montparnasse, alors que les critiques à la parution de ses textes sont très élogieuses, « l’écrivain le plus honnête et le seul homme qui puisse sérieusement rivaliser avec Joseph Conrad, Mark Twain et James Joyce », il ne connaîtra pas le succès.

Soutien de Joyce, éditeur d’Hemingway, ami de Man Ray, d’Aragon, d’Ezra Pound, on s’aperçoit que Contact, sa maison d’édition a publié beaucoup de femmes écrivains. Son mariage arrangé avec la richissime fille des Transatlantiques Ellerman, Briher, poétesse qui vit avec une autre poétesse – HD, comme Ezra Pound a surnommé Hilda Doolittle –, explique peut-être ses nombreux coups de foudre littéraires, amicaux, amoureux pour Marianne Moore, Nancy Cunard, Sylvia Beach, Gertrude Stein, Peggy Guggenheim, Mina Loy, Djurna Barnes, Kay Boyle, entre autres, à qui, il dira cependant : Il n’y a pas d’histoire d’amour possible.

Car Bob ne tient pas en place ; noceur invétéré, il se dilue dans l’alcool ; voyageur impénitent, il erre dans toute l’Europe. Le sentiment d’exclusion qui l’habitait depuis l’enfance ne le quitterait jamais complètement. Il lui arrivait de percevoir un mépris diffus de ces « autres » qui étaient finalement membres d’un même club, de purs produits de l’université ou de l’aristocratie, quand lui serait toujours ce petit gars du Middle West qui avait eu de la chance.

 Son sillage met en lumière ces « autres » pendant que lui, s’enfonce et disparaît.

McAlmon est plus une figure de la mélancolie que de la tragédie. Sa trajectoire est celle d’un homme brisé. Une fêlure. Au sens que lui donna Fitzgerald. Un effondrement de la créativité mêlé à la faillite intime d’une existence. Une fêlure silencieuse dans un vacarme d’enfer.

Sylvie Lansade 
(03/05/17)    



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Gallimard

(Mars 2017)
264 pages - 20 €




Maud Simonnot,
née en 1979, est
éditrice chez Gallimard.
La nuit pour adresse
est son premier livre.

Lire un entretien
avec Maud Simonnot
sur le site Culture Box





Robert McAlmon
(1895-1956)

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