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Julian BARNES


La seule histoire



L’amour. Le sujet est de toute éternité mais certains auteurs y puisent encore et prouvent qu’il y a encore tant à en dire. Julian Barnes est de ceux-ci, lui qui avait déjà si bien décortiqué le sujet dans Love, etc., un roman à trois voix où s’entendaient trois conceptions de la vie amoureuse.

Ici, il n’y a qu’une seule voix, celle de Paul, un homme qui a eu dix-neuf ans puis davantage. Parvenu à l’âge plus qu’adulte, il revient sur ce que certains appelleraient un amour de jeunesse mais que lui appelle sa seule histoire. Par romantisme ? Par nostalgie ? Non. Par lucidité. Parce que cette histoire-là a guidé voire édifié toutes les autres.

Y aurait-il donc pour chacun d’entre nous une histoire d’amour fondatrice ? L’histoire unique d’où découlerait toute manière d’aimer ? Si l’on en croit ce roman, oui, mille fois oui. Et l’on se prend à y croire tant Julian Barnes sait être convaincant. Plus que convaincant, il sait mettre le doigt sur chaque menu détail de la vie de son personnage et en montrer les effets sur son futur comme si nous, lecteurs, étions ce Paul.

Le lecteur, ainsi, peut s’y retrouver, s’y reconnaître. Jeune ou moins jeune, il peut, oui, trouver dans les réflexions de Paul de quoi mieux comprendre ses propres affres sentimentaux. C’est en somme un roman qui éclaire, comme le sont souvent les romans de Julian Barnes.

Il y a parle par exemple brillamment du sexe triste. Il y aurait le bon sexe, celui qui fait plaisir, le mauvais sexe, celui qui déplaît, qui est raté et puis, comme une sous-catégorie du mauvais sexe, il y aurait le sexe triste, dont Julian Barnes donne des exemples si suggestifs. Il y parle aussi de la langue amoureuse, de ce vocabulaire qui devrait avoir la force de se réinventer à chaque histoire mais ne le fait pas puisque, d’histoire, il n’y en a qu’une. La langue ne fait ainsi que répéter l’amour unique et fondateur – elle ne peut pas mieux.

Il y parle enfin, dans une partie II du roman qui pourrait presque constituer un livre à part entière, de l’amour pour une femme alcoolique. Comment vit-on avec un être se perdant dans la boisson ? Paul le raconte sans façon, naturellement, avec des réflexions d’une poignante justesse et qui, de nouveau, éclaire le sentiment amoureux.

On sort ainsi plus outillé de La seule histoire. Un peu comme si l’on avait posé sa tête sur l’oreiller des heures durant avec la ferme intention de répondre enfin à cette question : mais d’où vient donc ma façon d’aimer ?

Isabelle Rossignol 
(08/10/18)    



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Lectures




Mercure de France

(Septembre 2018)
272 pages - 22,80 €

Traduit de l'anglais par
Jean-Pierre Aoustin





Julian Barnes,
né en 1946, auteur d’une vingtaine de livres, a reçu de nombreux prix dont le Femina étranger et le Médicis essai.

Bio-bibliographie sur
Wikipédia


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