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Maurice GOUIRAN


L’Irlandais


À Marseille, le peintre irlandais Zach Nicholl est retrouvé mort dans son atelier, le crâne défoncé. Arrivé en France après 1998, cet ancien peintre de rue, installé à Marseille avec sa femme Aileen, irlandaise elle aussi, est devenu un peintre connu et apprécié. C’était un ami du journaliste à la retraite (mais-pas-tout-à-fait), Clovis Narigou (personnage bien connu et aimé des lecteurs de Maurice Gouiran), qui vit à La Varune, dans sa maison dans la garrigue, avec ses chèvres  et l’aide de son vieil ami et voisin, Milou qui se charge d’elles, quand il est lui-même occupé ailleurs.
Comme par exemple lorsqu’il fait quelques investigations, histoire d’aider sa copine, Emma Govgaline lieutenante à la criminelle, au cours de ses enquêtes. Sa curiosité, sa faconde, et surtout son « flair de journaliste » est souvent un atout bienvenu pour cette dernière. Même si leur relation amoureuse connait des hauts et des bas.

Clovis apprend par un ami commun que Zach avait passé deux mois à Paris avant de s’installer à Marseille. Et que les RG s’étaient alors intéressés à lui. Etait-il un ex-combattant de l’IRA ? Mais dans ce cas pourquoi s’installer en France après le cessez-le-feu ? Il n’y avait pas eu de suite. Alors à propos des « troubles » en Irlande, notre journaliste, en profite pour nous confier : « J’ai toujours trouvé étrange et choquante l’habileté de nos gouvernants à travestir les conflits armés meurtriers en les affublant de vocables plus softs. En France rien ne ressemblait plus à une guerre que les "évènements d’Algérie" […] En Irlande du Nord, ce sont près de 3500 personnes qui furent tuées et 50000 blessées (pas mal pour une population d’un million et demi d’habitants) pendant les fameux "troubles" qui furent il est vrai assez localisés. »

Aileen sait que la famille de Zach ne l’aime pas beaucoup, elle demande donc aux amis de son mari de l’accompagner à Belfast pour les obsèques. Notre Clovis, se souvenant de certains contacts qu’il avait eus autrefois lors de ses reportages, décide de partir en promettant au directeur du journal Les Temps Nouveaux de lui rapporter quelque article pertinent. Il espère surtout découvrir là-bas des éléments susceptibles d’aider sa copine Emma dans sa recherche du meurtrier !

Avant de partir, il rencontre certains amis du peintre, mais rien ne se dessine vraiment. Il apprend par la police, et par la veuve, que plusieurs de ses tableaux ont été volés. Serait-ce le mobile du crime ? Y a-t-il d’autres pistes ? Comme ces peintres de rue, jaloux de sa réussite ? Et qui se seraient sentis trahis : Zach ayant quitté le "street art" pour s’installer dans un atelier ? Sa femme semble hors de cause, son alibi vérifié, mais si on découvrait qu’il avait une liaison ? Y a-t-il une piste irlandaise. C’est en tout cas ce que Clovis va essayer de découvrir en rencontrant des membres de la  famille de Zach, et quelques-uns de ses anciens contacts.

Maurice Gouiran, tout en nous permettant d’accompagner Clovis au cours de ses recherches, de ses découvertes en France ou en Irlande, nous fait partager les préoccupations politiques – ou philosophiques – de son personnage. Comme dans ses autres fictions, prétextes à nous révéler quelque scandale resté caché ou peu dévoilé par l’Histoire officielle. Ainsi lorsque son héros Clovis s’adresse à nous : « Au lendemain des trois journées d’émeutes de l’été 69, rebelote : l’IRA officielle et marxisante soutient le tournant politique qui appelle à la négociation tandis que l’IRA-Provisoire socialiste et indépendantiste, reste sur une ligne dure et militariste et va se mesurer aux Unionistes, les armes à la main. Et on rejoue le scénario de la scission après les accords de 98 […] Pour ajouter encore à la confusion, signalons qu’en 1986 des membres de l’IRA ayant déjà cette exigence avaient créé l’IRA-Continuité…Vous suivez toujours » 

Pendant ce temps, la police marseillaise poursuit ses pistes, recherche les tableaux volés, interpelle quelques "as de la cambriole" comme les nomme Emma sans pour autant être persuadée qu’elle a trouvé les assassins !

Toujours en Irlande, Clovis se rappelle ses reportages, et notamment en 1981. « Les Anglais avaient laissé mourir de faim un élu du peuple, un député, et personne n’avait bronché. […] Où étaient donc passés ses dirigeants, ses intellectuels et ses associations qui s’auto proclamaient défenseurs de la liberté des peuples ? Leurs voix si puissantes dans les meetings pour condamner les exactions lointaines, s’éteignaient étrangement lorsque les conflits se rapprochaient et déchiraient le vieux continent.
Dix ans plus tard tout ce petit monde rejouerait la belle indifférence lors des guerres fratricides de l’ex-Yougoslavie. »

Mais, ce qu’on apprécie aussi beaucoup chez cet écrivain, c’est que tout en nous informant et en nous proposant interrogations et débats, il nous distrait, nous amuse, nous ravit ! Et il sait aussi parfaitement nous détendre par les descriptions des affections épanouies et des amours de ses personnages, la peinture d’un microcosme, l’Estaque, Marseille, les habitués du Beau Bar, et le fidèle Biscottin ! Sans oublier une dose de romantisme à l’occasion, et les "petits jaunes"…

L’écriture est claire, fine, percutante et juste ! Sans cela l’ensemble ne serait pas si harmonieux… Et c’est pourquoi les romans de Maurice Gouiran sont aussi savoureux qu’une promenade dans la garrigue, ou un bain dans les calanques…
Et, juste pour information, quand on termine un de ses romans on ne peut en aucun cas être atteint par la "morosine" !

Anne-Marie Boisson 
(22/06/18)    



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Noir & polar










Editions Jigal
(Mai 2018)
240 pages - 18,50 €










Maurice Gouiran,

auteur d'une bonne trentaine de romans, voit désormais ses livres sélectionnés dans la plupart des prix du Polar.

Bio-bibliographie
de Maurice Gouiran
sur wikipédia




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