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C’est aux trente ans de son fils que la mère lui transmet lors d’un repas partagé un carton d’invitation pour l’exposition d’un certain Grégoire Tollian qui serait ce père accidentel absent. L’inconnu d’un soir prend ainsi les traits d’un jeune photo-reporter de guerre dont les clichés des conflits du monde (notamment en Algérie, au Biafra, au Nigéria, en Tchécoslovaquie, au Vietnam et au Cambodge…) avaient été publiés dans les grands journaux de l’époque. Au vernissage, la vieille mère du photographe saisie par la ressemblance de Thomas avec son fils disparu s’accroche à lui. Au fil de ses visites il en apprendra d’avantage sur l’histoire familiale paternelle marquée au sceau de la tragédie, du grand-père arménien tué par des soldats lors du génocide au père élevé dans un orphelinat de Syrie puis arrivé à Paris via la Grèce, entré dans la Résistance puis déporté par les nazis dans un camp de Pologne d’où il ne revint pas. Krikor devenu Grégoire avait deux ans à l’arrestation de son père et la veuve éleva seule le garçonnet. Ce premier roman, au-delà de l’aspect sensible de la quête des origines assez souvent traitée en littérature et narrée ici avec finesse en s’appuyant sur des personnages, féminins ou masculins, qui ne manquent ni de personnalité ni d’épaisseur, prend toute sa dimension avec l’histoire du photographe de guerre qui permet de balayer une époque et la géopolitique qui s’y rattache tout en insufflant une tension de plus en plus affirmée au récit. Une dose de mystère, aussi : Se pourrait-il que Grégoire Tullian, le disparu dont on a jamais retrouvé le cadavre ou la trace, soit encore vivant à courir le monde comme le croit toujours sa mère ? Pour le fils la poursuite du passé n’est qu’un moyen de fonder son présent et de construire son avenir et il est heureux qu’à aucun moment il ne s’oublie lui-même avec sa réalité, son passé familial, son présent, sa vie affective et amoureuse, pour se perdre à chasser une ombre qui n’est pas la sienne. Si les drames s’écrivent ici au passé, le livre de la première à la dernière page reste émotionnellement fort. Sensible et romanesque, ce roman s’est inspiré pour le personnage du photo-reporter de l’histoire de Gilles Caron kidnappé avec une vingtaine d’autres journalistes accompagnés de leurs chauffeurs par les forces du FNL et des Khmers rouges en 1970. Une réussite. À découvrir. Dominique Baillon-Lalande (03/05/19) |
Sommaire Lectures Grasset (Janvier 2019) 224 pages - 18 €
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