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Cécile COULON


Une bête au Paradis



Ici, le Paradis, c’est une ferme. La ferme qu’Émilienne, la grand-mère, gère avec beaucoup d’énergie et d’autorité. Elle était déjà veuve quand sa fille et son gendre se sont tués en voiture laissant deux orphelins en bas âge, Blanche et Gabriel. Emilienne a dû s’occuper d’eux, les consoler, les élever, avec toujours ce mélange de courage et de fermeté qui fait sa personnalité solide et rugueuse.
Si le Paradis est une ferme, qui est la bête ? Ce ne sont pas les animaux qui manquent au Paradis : poules, vaches, cochons… Mais un humain aussi peut se transformer en bête !
Le prologue laisse entendre que c’est Blanche. Pourquoi ? Dans quel sens faut-il prendre le mot bête ? C’est ce que nous découvrons au fil de ce roman fort, émouvant, passionnant…

Une fois passé le prologue, le roman s’ouvre sur une scène d’amour entre deux adolescents. Une première fois pour Blanche et Alexandre. Ils ont seize ans. C’est elle qui a choisi le lieu et le moment. Dans sa chambre, à la ferme, le jour du cochon. Le sang du cochon, le sang de Blanche. Comme un pacte.
Il y a une quarantaine de personnes pour la fête du cochon. Louis, le commis, a l’œil à tout. Il a vu Blanche et Alexandre s’éclipser et il la voit maintenant ressortir de la maison.
« Lorsqu'elle avança parmi les paysans, le teint rose et frais, souriant aux uns et aux autres telle une madone distribuant ses grâces, le commis fut pris d'une sensation mauvaise. Il tenait les pattes de l'animal, liées par une corde épaisse, devant cette petite qui, ce jour-là, n'avait pas assisté à la mort du cochon, pour s'enfoncer, à l'étage, dans la peau d'un autre garçon que lui. »
Voilà, les présentations sont faites. Le Paradis, Émilienne, Blanche, Alexandre, Louis…

Cécile Coulon peut alors nous entraîner dans l’exploration des racines de cette histoire et les secrets de ses protagonistes avec un angle de vue bien précis : l’attachement à la terre et la transmission par les femmes. Émilienne, après la mort de son mari, pensait pouvoir compter sur sa fille Marianne et, pendant quelques années, elles ont bien travaillé ensemble. Jusqu’à l’accident. Émilienne s’est retrouvée à nouveau seule avec, en plus deux petits-enfants à charge. Banche avait cinq ans, Gabriel deux ans de moins.

Heureusement, il y a eu Louis. Il n’aimait pas les études. Il voulait travailler et surtout quitter la maison et la violence de son père. Un jour où la dérouillée a été plus forte que d’habitude, il s’est réfugié au Paradis et n’en est plus reparti. Émilienne l’a soigné, protégé et lui a appris les gestes de la ferme. Il a travaillé dur et regardé grandir les enfants. Gabriel, petit garçon triste et rêveur, vivait dans son monde, replié sur lui-même. Blanche, vive et intelligente, s‘intéressait à tout, avec une passion pour l’exploitation familiale. Mais il fallait aller à l’école, au collège, au lycée et elle a rencontré Alexandre. Pas un fils de paysan. Une mère femme de ménage et un père au guichet d’une gare. Alexandre veut réussir, aider ses parents, qu’ils soient fiers de lui…

Ce sont de nombreuses émotions que révèle ce roman, des désirs irrésistibles mais aussi contradictoires. L’amour et la jalousie, la peur de la solitude et la crainte de l’engagement, le doute sur la loyauté, le choix difficile entre la protection et la possession, le respect des anciens et l’attrait de la nouveauté, la curiosité, la liberté, la découverte de l’autre et de l’ailleurs. Chacun, chacune, dans cette histoire est violemment confronté à ces alternatives complexes qui l’animent et le rongent à la fois. De quoi devenir fou. L’écriture, très juste et précise, nous fait partager au plus près le vécu et le ressenti de chaque personnage. Bienvenue au Paradis !

Serge Cabrol 
(30/09/19)    



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Lectures








L'iconoclaste

(Août 2019)
352 pages - 18 €







Cécile Coulon,
née en 1990,
a publié six romans, un recueil de nouvelles et un recueil de poèmes.


Bio-bibliographie
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