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Corinne HOEX


Et surtout j’étais blonde


Nous suivons avec beaucoup de plaisir et d’intérêt le parcours d’écriture de Corinne Hoex depuis plus de dix ans, alternant romans et poèmes, fictions et textes plus personnels, évoquant avec constance la féminité, la sensualité, l’érotisme au féminin mais aussi les regards et les menaces des prédateurs, et les violences faites aux femmes, y compris au sein de la famille. Et surtout j’étais blonde nous mène plus sur le versant de la violence, comme un lointain écho poétique à Ma robe n'est pas froissée, un texte bouleversant paru en 2008.
Les illustrations de Marie Bolarevi, collages en noir et blanc, évoquent les troubles relations entre la Belle et la Bête, les mains attachées face aux mains armées, le corps criblé de flèches d’une Ursule convoitée par Attila… Elles rythment de manière très expressive et riche en émotion le passage à chacune des six parties du texte.

Etat de grâce, évoque l’innocence, la virginité, la beauté, la blondeur mais aussi la violence et le désir fou que ce jeune corps provoque chez les prédateurs.
« Seins menus
Hanches hautes.
Corps étroit d’adolescente.
Un oiseau pour le chat, bavaient-ils.
Les griffes leur sortaient des yeux. »

Trop belle pour être honnête. « Une sainte-nitouche certainement » mais « enflée de pensées troubles ». Elle doit payer pour ses crimes supposés, pour sa façon de regarder les hommes dans  les yeux. « Alors le massacre. »

La deuxième partie fait de cette « petite traînée » une « attraction de fête foraine », la cible de toutes les envies, toutes les insultes et toutes les agressions. C’est une « voleuse », une « petite vicieuse », qu’il faut punir pour sa beauté troublante, pour sa blondeur provocante. Il faut « frapper, frapper fort. »

Dans Fiançailles, on lui demande même des excuses.
« Les archers sont autour de toi.
Tu ne bougeras pas.
Leur œil te mesure.
Tu ne bougeras pas.
Arc bandé, ils t'encerclent.
Avant d'être venue me demander pardon. »
Si elle refuse de se soumettre, son corps sera criblé de flèches comme celui d’Ursule refusant d’épouser Attila.

Noces offre un retour vers l’enfance, la relation ambiguë entre le père et la petite fille
« Au bout du sentier il y a les balançoires
Oh ma chérie.
Ta robe vole.
Il te regarde.
L'odeur du sang te fait tourner la tête. »
Cette attention du père, ses regards, la tendresse de ses mots, « Ma chérie. Ma petite chérie », est-ce le paradis pour elle ?
La partie suivante, Les hôtes, donne une image moins idyllique de ce « paradis » qui n’est, en fait, qu’ « une sombre geôle » où « des bêtes rôdent dans les couloirs », « une basse-fosse »  où « des bêtes grognent dans le noir. »
Un paradis illusoire et menaçant malgré les propos plus inquiétants que rassurants du père :« Je serai là, ma chérie. Je serai toujours là. »

La dernière partie, Gloire, reprend ce thème de la jeune fille trop belle et trop blonde que tous les prédateurs guettent sous le fallacieux prétexte de la protéger du monde. Il est difficile pour le papillon naissant de déplier ses ailes hors de la chrysalide quand le collectionneur ne rêve que de possession exclusive.
« Les ailes ouvertes.
Bien entendu, vous aurez les ailes ouvertes.
Piquée sur une plaque de liège.
Sous une vitre.
Au-dessus du lit. »

Corinne Hoex et Marie Boralevi nous offrent là un très beau recueil à lire, relire et méditer, mêlant étroitement, paradoxalement, la tendresse et la violence, l’innocence et la culpabilité, la relation morbide entre le chasseur et la proie, quand le prédateur se dit protecteur, pour mieux enfermer sa victime, la priver de liberté, la couper du monde, la garder pour lui comme une araignée emprisonnant une mouche dans un fil de soie. Une réflexion tout à fait d’actualité soutenue par une écriture forte et belle, dont les mots précis touchent les cibles avec efficacité, dont les images s’impriment dans la mémoire.
« La lame s’enfonce dans ta chair vive.
Oh ma chérie
Taille les tendres filets.
La part du Père. »

Serge Cabrol 
(15/05/19)    



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Poésie







Corinne HOEX, Et surtout j’étais blonde
Tétras Lyre

64 pages - 15 €











Corinne Hoex
vit à Bruxelles.
Elle a déjà publié une vingtaine de romans et recueils de poèmes.

Bio-bibliographie sur
Wikipédia







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