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Géraldine JEFFROY

Un été à l’Islette



Eugénie envoie une lettre à Milou – qui est au front pendant la Première Guerre mondiale – car elle a un secret à lui révéler : « Il est temps que tu saches quelle est vraiment mon histoire et pourquoi j’ai lié mon existence à la tienne. »

Elle évoque donc son séjour au Château de l’Islette en Touraine, lors de l’été 1892, où elle a donné des cours à Marguerite, la jeune châtelaine. Madame Courcelle, la châtelaine, accueille des artistes comme le faisait son mari, de son vivant.

Eugénie verra arriver Camille Claudel qui travaille sur La Valse. La direction des Beaux-Arts trouvent la première version de La Valse trop dénudée. « J'ai décidé de ne pas discuter cette affaire-là car je n'en ai pas les moyens. Je sais bien que ces messieurs me "tolèrent", je sais combien l'idée d'une femme artiste les dérange. Je me suis donc résignée à refaire ma Valse ! Oh ! elle en tournera davantage et mieux encore ! Elle leur donnera le tournis, un deux trois, un deux trois... elle leur fera entrevoir bien plus de voluptés sans que ces messieurs des Beaux-Arts n'aient à en rougir ! Ils sortiront du cyclone peut-être satisfaits mais non indemnes... Les corps, nus ou recouverts, se trouvent pareillement lorsqu'ils veulent se trouver. Quelle hypocrisie leur fait croire que ce qui est caché n'éveille pas le désir ? »

Auguste Rodin, lui travaille sur le buste de Balzac et la rejoindra quelques jours à l’Islette. Eugénie se trouve confrontée aux méandres et aux affres de la création. Elle sera aussi témoin de la relation conflictuelle entre Camille Claudel et Auguste Rodin. 

S’intercale une correspondance entre Camille Claudel et Claude Debussy qui échangent sur leurs créations respectives : « Bon... et alors quoi ? Vous m'écrivez que vous êtes seule... C'est heureux ! Vous n'en travaillerez que mieux. Réjouissez-vous et profitez. Nous sommes, vous et moi, des bagnards isolés mais nous aimons nos chaînes et notre solitude. Voyez, ce que j'apprécie moi, c'est d'être en boîte entre quatre murs, dans un silence absolu. Alors je peux composer. Quand je travaille, tous les autres deviennent importuns. »
Claude Debussy compose son prélude à L’après-midi d’un faune, le poème de Mallarmé.

Eugénie deviendra quelque temps la secrétaire de Rodin pour écrire son courrier : « Eugénie, vous écrirez certains de mes courriers sous ma dictée. Ce sera l'essentiel de votre tâche. J'ai une orthographe déplorable et une vilaine écriture. Si une phrase vous paraît bancale, ce qui ne manquera pas d'arriver, redressez-la. Mais ne changez jamais mes idées. Tout sera clair : en art les choses les plus difficiles s'expliquent avec des mots de concierge. Quelques notes et pensées à consigner ou à corriger également, voilà ce que j'attends de vous. »

C’est un roman passionnant sur la démarche de créateurs en sculpture et en musique. Nous découvrons la complexité des artistes dans leurs projets, leurs doutes et nous partageons les heures de travail et de réflexion nécessaires pour atteindre le but qu’ils se sont fixé. 

Brigitte Aubonnet 
(23/09/19)    



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Lectures







Géraldine JEFFROY, Un été à l’Islette
Arléa

(Septembre 2019)
144 pages – 17 €










Géraldine Jeffroy,
née en Touraine, professeur de lettres, a déjà publié Soutine et l’Écolier bleu (Fondencre, 2019).