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L’art, la beauté et le chagrin
Ses parents étaient séparés et le mercredi, l’enfant allait, chez son père dont le bureau l’impressionnait, « rempli d’objets kabbalistiques, de livres, de disques, de dossiers, de dessins encadrés. […] Je ne comprenais pas vraiment ce que mon père faisait ici, enfermé pendant des heures. […] Il y avait un lit monacal, à une place, entouré de livres. […] Des fiches de lecture rédigées dans une écriture en pattes de mouche. Quelque chose de rassurant émanait de ce cocon. Les livres étaient imprégnés de tabac, pas du tabac froid et âcre, plutôt une douce odeur de miel et de pain d'épices. Il me reste de tout cela la certitude naïve que les livres nous protègent de tout, solides murailles dressées entre nous et le monde. » Certaines fois, ils allaient au restaurant ou au cinéma mais lorsqu’il pleuvait, ils restaient au chaud, chacun dans sa chambre. Le père préparait le repas et ils mangeaient dans la cuisine sans dire grand-chose. « Nous menions alors ce que j’appellerais nos "conversations silencieuses". […] La qualité d’un silence entre deux individus est une chose très particulière. Il y a autant de façons de se taire que de manières de parler. » Un mercredi, en arrivant, l’enfant a trouvé sur la table basse du salon une pile d’une vingtaine de livres d'art. Dans ces ouvrages, à côté de toiles représentées dans leur intégralité, il y avait de multiples cadres avec des agrandissements de détails. Des visages, des objets, des fruits, des animaux… Comme il n'y avait ni bandes dessinées ni télévision, les livres de peinture lui ont apporté sa dose de rêve et d’évasion. Un autre jour, son père lui a proposé une visite au Louvre. Il y a rencontré le Pierrot naïf de Watteau et retrouvé des impressions découvertes dans les livres. L’auteur évoque aussi son métier (enseigner l’esthétique à l’université) et la difficulté d’en parler sans se confronter à l’hostilité vis-à-vis de l’art moderne, abstrait, conceptuel ou aux dérives du marché de l’art. Ces conversations-là peuvent être houleuses… Tous ces récits participent à la réflexion de l’auteur sur la construction de notre rapport à l’art, sa découverte, sa conservation, les sentiers tortueux qu’empruntent les observations, les surprises, les émotions, les impressions pour atteindre notre esprit, habiter notre mémoire… Un livre clair, vivant, plein de souvenirs et d’anecdotes, de tendresse et d’humour, mais aussi un livre pour rêver, méditer, réfléchir sur soi-même. Un petit livre pour un grand bonheur de lecture. Serge Cabrol (14/08/19) |
Sommaire Lectures Arléa (Avril 2019) 108 pages - 17 €
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