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Marie SIZUN

Vous n’avez pas vu Violette ?



À demi tournée vers la fenêtre, elle regarde les passagers des voitures qu’ils dépassent. Souvent un homme et une femme. Quelquefois, ils sont raides et silencieux, posés côte à côte comme des mannequins. Comme eux. D’autres fois, la femme a un bras sur l’épaule du conducteur ; ou bien le conducteur tient le volant d’une main et l’autre est posée sur les genoux de la femme. Claire pense à la distance infinie qu’il y a de la main de son mari à ses genoux à elle.

C’est sûr, des femmes heureuses, aimées, comme la Violette de la dernière nouvelle du recueil, on peut se demander où elles se cachent, dans ce bouquet de fleurs,  ce bouquet de vingt nouvelles, où toutes les épouses, excepté Violette, sont, pour le moins, mal aimées, légèrement méprisées, pour le plus, humiliées, trahies, pour le pire, menacées elles-mêmes ou dans ce qu’elles ont de plus cher, leurs enfants. Mais, toutes, se souviennent, telle Proserpine qui cueillait des violettes avant de descendre aux enfers, de jours heureux et ne renoncent jamais au bonheur.

; Il n’est pas bon d’être mariée au pays de Marie Sizun,  le vilain mari tue à coup sûr le prince charmant,  excepté celui de Violette. Cette  femme, comme Iris, parée d’une écharpe arc-en-ciel, peut se promener, libre, épanouie, car malgré son grand âge elle est toujours aimée. Elle irradie de bonheur.  C’est une messagère, elle porte la promesse  que  l’amour est possible.

On sent très fort, dans ces nouvelles, dont certaines évoquent des maris non seulement suffisants et despotes mais terrifiants, surtout dans les deux nouvelles Soirs d’hiver et Hamsters  qui sont au cœur du recueil, la présence d’une petite fille, elle-même blessée à jamais par le divorce de ses parents. La première de ces nouvelles ne met-elle pas en scène une petite fille à laquelle la narratrice ne donne pas de nom mais dit « tu » ? Une vieille connaissance cette petite, qui, devenue femme peut prendre bien des visages, mais ira toujours se réfugier dans l’écriture, dans ses souvenirs, dans de courts instants de bonheur : la mer en  cadeau, de la part d’un père qui fuit le foyer, la photo témoin de deux jours de bonheur comme arrachés au  temps, le regard émerveillé d’un amant sur celle qui dort à ses côtés, des moments d’éternité qui sauvent tout.

On ne sort pas indemne de ces nouvelles où la violence des maris si elle étouffe n’arrive jamais à détruire la volonté de Claire, Alice, Cécile, Sophie, qu’importe le nom de l’héroïne, de vivre à tout prix la douceur des choses.

Non, elle ne sait pas encore, mais elle saura, elle saura. Et, à cette perspective, elle sourit déjà très doucement, comme elle faisait autrefois, quand la vie n’était qu’élans joyeux vers le bonheur.

Sylvie Lansade 
(19/04/19)    



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Lectures







Marie SIZUN, Vous n’avez pas vu Violette ?
Éditions Arléa

200 pages – 19 €

Prix de la nouvelle de l’Académie française et Prix de la nouvelle du « Fil de l’Aire » (Meuse)



Marie Sizun Photo © Louis Monier
Marie Sizun

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