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Shoba NARAYAN


La laitière de Bangalore


L’autrice, romancière et journaliste, se fait narratrice pour nous conter son retour en Inde après une vingtaine d'années passées aux États-Unis et sa rencontre avec une laitière qui déclenche chez elle un intérêt très fort pour la vache, animal sacré fournisseur de lait bien sûr mais pas seulement, et objet d'attentions très particulières.
« La vache en Inde est un bourbier de contradictions et de controverses. Et le symbole des politiques parfois clivantes du pays. Cela dit, ce livre n'est pas un ouvrage explicitement politique. Il apporte quelques éléments contextuels permettant de comprendre pourquoi la vache est si importante en Inde, mais il n'est pas – et n'a pas vocation à être – une somme sur tous les aspects de la vache. Enfin, je l'avoue, ce livre se voudrait une sorte de somme sur tous les aspects de la vache, mais ce n'en est pas une. »

Le roman qui s'ouvre après ce prologue est plein d'humour et de considérations passionnantes sur la place de la vache dans la société indienne d’hier et d'aujourd'hui.
Sa première rencontre avec le bovidé sacré a lieu au moment où elle emménage avec son mari et ses deux filles dans un immeuble cossu de Bangalore, ville en plein développement surnommée la Silicon Valley indienne.

« Les portes de l'ascenseur s’ouvrent.
Une vache se trouve à l'intérieur, en biais, pour pouvoir tenir. Elle n'a pas l'air trop à l'étroit, elle est simplement impatiente.
J'avance machinalement, puis je m'arrête, essayant de ne pas rester bouche bée. »
« Vous devriez demander à cette dame d'amener sa vache chez vous aussi, dit un déménageur. Après tout, la vache est déjà dans votre immeuble. Elle vous fera une ristourne. »
Shoba monte au troisième étage où la vache fait le tour de l'appartement des voisins pour apporter sa bénédiction à la pendaison de la crémaillère. La propriétaire de la vache s'appelle Sarala et c'est la relation entre Shoba et Sarala qui se déroule tout au long du roman.
Nous allons de page en page découvrir la vie et la famille de chacune des deux femmes.

« De l'autre côté de la rue, se trouve une grande caserne militaire, reflet des racines coloniales de Bangalore. » C'est là que la laitière s'installe chaque matin avec ses vaches pour vendre son lait tout frais tiré du pis.
Shoba hésite plusieurs jours, inquiète des dangers du lait non pasteurisé, même si elle a grandi en buvant du lait cru provenant directement d’une vache.
S’ensuit une réflexion sur la qualité du lait et Shoba va même pouvoir profiter d’une dégustation de divers crus comme nous le ferions pour du vin. Il faut dire que l’Inde compte trois cents millions de vaches issues d’une quarantaine d’espèces différentes, blanches, noires, rousses, il y en a pour tous les goûts.
Le lait n’est pas le seul produit de la vache recherché, la bouse et l’urine le sont aussi, la première comme engrais, comme combustible, dans la construction des murs et la purification des maisons, la seconde pour ses nombreuses propriétés médicinales.
Les vaches sont aussi au cœur des querelles religieuses, les hindous les vénèrent quand les musulmans ou les chrétiens les mangent. Pas question de parler de bifteck avec la laitière !

Le roman se déroule sur une dizaine d’années pendant lesquelles une étrange relation s’instaure entre les deux femmes malgré leurs différences, notamment de castes (l’une est brahmane et l’autre naïdu) et de classes sociales (l’une vit dans un quartier chic et l’autre dans un bidonville). « En vérité, Sarala n'est pas mon amie. Nous passons du temps ensemble, mais il y a de grands pans de sa vie dont je ne sais rien, et il y a des pans entiers de la mienne dont elle n'a pas idée. Elle et moi avons pourtant un lien, et il est en train d'évoluer. Il est si facile de parler avec elle. Nos conversations sont pleines d'une authentique affection et dénuées d'arrière-pensées »

Pour respecter une tradition ancestrale, Shoba décide d’offrir une vache à Sarala. Le choix de cette vache nous permet de visiter les foires et les fermes de la région, une épopée à la fois drôle et instructive.

Ce roman très original, émouvant, humoristique et passionnant, est riche en légendes, traditions, réflexions sur la société indienne et sur le quotidien des habitants. Shoba Narayan devait être présente au Livre-Paris dont le pays invité était l’Inde, un virus en a décidé autrement, espérons que ce n’est que partie remise…

Serge Cabrol 
(16/03/20)    



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Lectures








Mercure de France

(Février 2020)
304 pages - 23,80 €


Traduit de l'anglais
(Inde)
par Johanna Blayac












Shoba Narayan

enseignante, journaliste et romancière, a déjà publié quatre livres. La laitière de Bangalore est le premier traduit en français.


Bio-bibliographie
sur son site :
shobanarayan.com
(en anglais)