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Éditions Bartillat

(Mars 2014)
176 pages - 20 €
Jorge Luis BORGES

Victoria OCAMPO


Dialogue


Traduit de l’espagnol (Argentine) par André Gabastou
Préface de Maria Kodama / Introduction d’Odile Felgine



On ne peut être passionné de littérature et de poésie sans croiser un jour la voix de Jorge Luis Borges. Une voix qui sait nous polir l'âme pour qu'elle reçoive mieux les émotions que fait naître la poésie

Le Dialogue de Jorge Luis Borges et Victoria Ocampo, publié en Argentine en 1969 était inédit en France avant cette belle publication aux éditions Bartillat.
Au centre de ce dialogue un album de photos ou plutôt des photos comme jetées en vrac sur une table basse alors que s'entretiennent deux amis : l'auteur de Aleph et la fondatrice de la revue SUR.
À travers ses portraits de famille et ses clichés de lieux où il vécut, Borges raconte ses ancêtres tel son grand père Acevedo de San Nicolas qui aimait répéter "Je suis né du bon côté de la rivière du milieu" et s'est battu à Pavón, à Cepeda et au Puenta Alsina à cette époque où les civils avaient alors davantage l'expérience de la guerre que les militaires actuels ; il raconte aussi par exemple la maison de Paraná où est né son père et que Borges voit en rêve et dans la réalité, mais, ajoute-t-il, comme je l'ai très souvent vue sur une photographie, je crois que l'image que j'ai gardée d'elle est celle de la photo et non celle de la maison que j'ai vue quand je suis allé dans la province d'Entre Rios.
Ainsi au fil de cet échange complice nous est dévoilée l'amitié exceptionnelle de ces deux personnages qui marquèrent les lettres de la jeune nation argentine.
Lorsque Victoria Ocampo crée la revue SUR (Sud en espagnol) revue essentielle de la vie culturelle argentine, elle fait appel en 1927 à un jeune poète encore méconnu. Elle vient d'entendre à l'Institut Populaire des Conférences le texte de Jorge Luis Borges, La langue des Argentins, lu par Manuel Rojas Silbeyra, Borges étant encore trop tendre pour s'adresser lui-même à l'assemblée présente. Aussitôt elle lui adresse une lettre pour l'inviter à rejoindre la rédaction de sa revue. Borges lui répond en la remerciant de l'intérêt qu'elle porte à son travail et termine sa réponse par ces mots : "Si j'écris un jour une page qui me donne satisfaction, je vous promets de vous l'envoyer." C'est en fait une longue collaboration qui s'établira entre ces deux joyaux de la littérature argentine, à la suite de cette invitation.
Victoria Ocampo ne se contentera pas de publier les textes de Borges dans sa revue, elle fera tout pour que son travail soit reconnu à l'étranger. Dans ce rôle de passeur se trouvera Roger Caillois qui, malgré les rapports distants qu'il aura avec Jorge Luis qu'il trouve bien trop pédant, le considère comme l'écrivain d'ici le plus intéressant. Après avoir publié en 1944 dans Lettres Françaises deux nouvelles de Borges : La Loterie de Babylone et La Bibliothèque de Babel, il publie en 1951 dans la collection La Croix du Sud qu'il dirige chez Gallimard, Fictions traduit de l'argentin par Néstor Ibarra. La reconnaissance ne se fait pas attendre et cette version française sera traduite dans de nombreux pays Européens, puis traversera l'Atlantique pour atteindre les Etats-Unis d'Amérique.

L'édition de Dialogue chez Bartillat compte outre de nombreuses photos (celles que Borges commente tout au long de l'entretien), des lettres de Georgie (ainsi Victoria Ocampo nommait Jorge Luis) à la directrice de SUR, ainsi qu'une lettre de mise au point de Victoria après la parution en 1964 du numéro de l'Herne sur Borges, et les critiques de son rédacteur en chef et ami. Elle ne manque pas de lui rappeler ce qu'il lui doit : Cependant, ce métier sacrificiel (directeur de revue) – quand il n'est pas lucratif – apporte parfois quelque chose de positif. Par exemple, si la revue SUR n'avait pas invité en 1939 Roger Caillois, auteur jeune et inconnu, pour faire des conférences à Buenos Aires, la traduction de vos œuvres cher Georgie, aurait dû peut-être attendre quelques années. Il ne se serait, bien sûr, agi que d'un délai. Un autre Colomb vous aurait découvert (pour les Européens). Mais en l'occurrence le choix heureux de SUR a été bénéfique pour la diffusion de l'œuvre de Jorge Luis Borges, argentin inconnu au-delà des mers (même si personnellement, j'avais beaucoup parlé de lui dans les capitales d'Europe et des Etats-Unis).
En fin d'ouvrage, on trouvera des témoignages croisés de ces deux écrivains majeurs pour l'Argentine : Vision de Jorge Luis Borges et Hommage à Victoria Ocampo.

Pour mieux pénétrer l'univers complice et parfois orageux de ces deux êtres dont la passion première est la Littérature avec un grand L, il faut lire la passionnante introduction d'Odile Felgine qui retrace l'aventure de cette relation qui liera Borges et Ocampo pendant plus d'une cinquante d'années et couvrira la longue période de l'existence de la revue SUR.

Vient de paraître également, aux éditions Gallimard, Poèmes d'Amour de Jorge Luis Borges. Traduction de l'espagnol (Argentine) et préface de Silvia Baron Supervielle. Avant-propos de María Kodama, édition bilingue.

David Nahmias 
(29/04/14)    




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Pour mémoire















Jorge Luis Borges
(1899-1986)







Victoria Ocampo
(1890-1979)










Revue SUR, 1952











Gallimard

(Mars 2014)
144 pages - 15,90 €