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La Baconnière

(Avril 2023)
256 pages - 20 €

Federigo TOZZI
(1883-1920)

Des jeunes

Ces vingt-quatre nouvelles ont en commun de présenter des personnages ambivalents, colériques, toujours en souffrance. On dirait aujourd’hui des « antihéros ».
L’incompréhension dans les familles, la solitude, le deuil de la jeunesse sont des thèmes récurrents.
Des expressions comme « le sourire d’une jeunesse enfuie » ou « l’ombre de la jeunesse » disent une nostalgie d’une jeunesse qui, selon sa biographie, a été torturée. Il y est dit que son père était colérique et autoritaire, comme plusieurs pères de ces nouvelles. Des familles qui ne communiquent pas avec leurs enfants ou qui rompent toute relation comme dans la nouvelle Les viles créatures où cinq prostituées échangent sur leur condition.

Le style de Tozzi est précis, imagé. Il fait le choix d’utiliser des images ou des mots réservés aux animaux. Ainsi, le mot « caroncule » est emprunté aux coqs et dindons mais appliqué à plusieurs reprises aux humains. À propos d’une femme « maigre et aux hanches étroites », il imagine « une sorte de fourmi dressée sur ses pattes. »
Dans Le tournage d’un film, sa description soigneuse et précise du cordonnier est quasi cinématographique.
« Maigre et, pâle, les joues semées de caroncules rougeâtres, les moustaches blondasses, presque transparentes ; des lunettes si grosses qu’elles laissent une marque dans ses chairs ; des pupilles grises et globuleuses comme celle des crabes ; un cou qui semble déformé à dessein. »         
Les visages sont décrits avec soin. « Elle aurait été presque belle si elle n’avait eu un petit nez en bec de chouette, et une cicatrice droite sur la lèvre supérieure. Son menton laissait apercevoir la forme de l’os, mais son visage était rondelet ; et ses oreilles petites. »

Mais pourquoi Tozzi a-t-il choisi de tels personnages et une telle noirceur ? Sans doute une façon de s’opposer à l’idéologie du régime fasciste qui montrait des jeunes épanouis, joyeux et volontaires. La laideur caricaturale de ses personnages m’a fait penser à ceux décrits par Zola dans La terre ; prêts à tuer pour le gain, sans aucune empathie. Ici c’est plutôt la souffrance et l’ambivalence qui dominent.
D’ailleurs les écrits de Tozzi ont été jugés incompatibles avec l’idéologie fasciste et il n’a pas été publié pendant près de quarante ans. Cette traduction est l’occasion de le redécouvrir.

Nadine Dutier 
(19/06/23)    




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Pour mémoire










Federigo Tozzi
(1883-1920)
né à Sienne, est mort à Rome de la grippe espagnole à 37 ans. Son œuvre, occultée sous le fascisme, a été redécouverte dans les années soixante.




Traduit de l’italien par
Philippe Di Meo





Bio-bibliographie sur
Wikipédia
(en anglais)




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