Photo © Ida Mesplède

Marcus Malte


Romancier, nouvelliste et auteur de livres pour la jeunesse, Marcus Malte a déjà publié une quinzaine d'ouvrages. Souvent du noir...




Vous vous intéressez à la musique et au cinéma. Est-ce que ces arts influencent votre écriture ?
Pour le cinéma, je ne sais pas dans quelle mesure il peut m’influencer. En revanche, je crois que ma première approche, pour l’écriture d’un texte, est une approche musicale. C'est-à-dire que je me soucie d’abord de la sonorité et du rythme ; et si je devais raisonner, je le ferais en termes de mélodie, d’harmonie, de tonalité, de tempo : ce genre de choses. C’est primordial pour moi, car le son va engendrer le sens, et non l’inverse. La finalité étant, évidemment, que ces deux éléments fassent le mariage le plus heureux possible. Mais je pourrais avoir la plus belle idée du monde, le meilleur sujet qui soit, si je ne suis pas capable de les faire sonner, ça ne m’intéresse pas.

Comment et quand avez-vous commencé à écrire ? Par des textes courts ou directement en écrivant un roman ?
A 10 ans, j’écrivais de magnifiques romans d’une page et demie. A 13 ans, je luttais d’égal à égal contre Rimbaud pour le titre de meilleur poète maudit. A 16 ans, j’ai ajouté de la musique à mes paroles et Brel et Souchon avaient du souci à se faire. A 18 ans, je proposais des sketches comiques à Roland Magdane (c’est vrai !). A 20 ans, je défiais les plus grands scénaristes sur leur propre terrain… Bref, j’ai touché à peu près à tout ce qu’on peut faire dans le domaine de l’écrit. Mon premier véritable roman, par le nombre de pages, j’ai dû le terminer vers 23 ans. Aujourd’hui, à bientôt 40 balais, je ne désespère pas de savoir écrire un jour. Et ce n’est pas de la fausse modestie.

Avez-vous commencé par écrire des polars ?
Il se trouve que mon premier bouquin publié pouvait être classé dans la catégorie Polar. Ce n’était pas prémédité de ma part ; ce n’est qu’après l’avoir terminé que je me suis dit : « Tiens, ça ressemble à un polar. » Le genre, en réalité ne m’importe guère, j’essaye d’écrire des bons livres, point final.

Dans l’un de vos romans Mon frère est parti ce matin le personnage qui s’enferme chez lui, découpe des faits divers qui sont tous aussi horribles dans leur absurdité. Y a-t-il un projet particulier dans le choix de ces faits divers ? Sont-ils tous réels ?
Vous avez cité vous-même les mots clés : « horrible » et « absurde ». Les faits divers présentent souvent cette double particularité. Et je crois que, pour le personnage de ce roman, le monde finit par se résumer à ça : quelque chose d’horrible et d’absurde. D’où, peut-être, sa décision de s’en retirer complètement.
Les faits divers choisis sont effectivement réels. J’ai seulement modifié les noms des personnes et des lieux.

Votre personnage s’enferme et devient pour un temps un héros médiatisé car il s’oppose symboliquement à la société en s’isolant ainsi du monde. Comment vous est venue l’idée de ce personnage ?
Si je le savais… Peut-être un vieux fantasme ? Il y a quelques antécédents dans ma famille : certains aïeux, du style anachorètes. Mais aucun qui soit devenu un héros, à ma connaissance. A partir de là, ça m’amusait de voir comment on peut monter en épingle, avec les médias en particulier, quelque chose qui est en soi un non-événement total. Tout ce bruit pour rien. Tout ce besoin de bruit.

Est-ce que pour vous un écrivain de polar est un écrivain engagé ? un témoin de la société et un critique de son fonctionnement ?
D’abord, je ne suis peut-être pas un véritable écrivain de polars. Ensuite, chacun fait comme il veut et comme il peut. Mon intention première est de raconter des histoires, de faire partager des émotions. Je ne veux pas me sentir obligé de critiquer ou de dénoncer quoi que ce soit. Mais je ne m’interdis pas de le faire non plus. Et même si je n’exprime pas de but en blanc des opinions personnelles, je pense qu’à travers mes bouquins le lecteur peut avoir une idée de ce que je pense de notre société, de ce qui me déplaît ou me choque dans son fonctionnement.

Quand vous commencez un texte savez-vous à l’avance si ce sera une nouvelle ou un roman ?
Disons que, selon mon degré de flemme, j’espère que ce sera plutôt un texte court ou un texte long. Mais ça peut déraper à tout moment et partir vers autre chose que ce que j’escomptais. Alors, j’essaye de suivre.

Préparez-vous la trame de votre roman avant de commencer ?
Non. Je ne sais absolument rien de ce que vais raconter. Je n’ai ni sujet, ni intrigue, ni personnages. Impro totale. J’espère juste qu’un début de mélodie va venir, que je saurai le saisir et qu’il me mènera loin. Et si, par chance, c’est le cas, je découvrirai tout ça au fur et à mesure. J’aime bien être le premier surpris par ce que j’écris. Voire consterné.

Beaucoup de vos fins restent ouvertes et donnent la liberté à vos lecteurs de choisir leur propre fin. Recherchez-vous aussi cela dans vos propres lectures ?
Il me semble que ce que je recherche, aussi bien dans mes lectures que dans mes écrits, c’est tout bonnement la fin qui convient le mieux à l’histoire. Et si cette fin, dans mes propres textes, est souvent ouverte, c’est peut-être parce que ce qui est définitif me fait peur. Ou alors, simplement parce que je ne connais pas toujours moi-même le fin mot de l’histoire.

Quelles sont vos influences littéraires ?
J’ai la chance d’être assez curieux et ouvert. Mes influences sont donc très éclectiques : cela va de Jean Giono à Cormac McCarthy, en passant par Céline, Steinbeck ou San-Antonio…

Vous avez écrit un Poulpe, Le vrai con maltais. Ecrivez-vous souvent des textes de commande ou des textes contenant des contraintes ? Comment cela s’est-il passé pour le Poulpe ?
En réalité, je dois être le seul auteur de la série qui n’ait pas écrit son Poulpe sur commande. Personne ne m’avait rien demandé ! J’avais justement envie de m’essayer pour la première fois à l’écriture d’un texte avec contraintes. Une sorte d’expérience, de petit défi personnel. J’avoue que je me suis bien amusé. Par bonheur, j’ai encore quelques commandes d’éditeurs, notamment des nouvelles ou des romans pour la jeunesse. Si je les accepte, c’est que j’apprécie ce genre d’exercices ; ça me motive, ça me force un peu à bosser et ça m’apprend toujours quelque chose. Mais sans doute faut-il éviter le piège de ne plus faire que ça, car écrire dans une totale liberté est une chance inestimable.

Et pour Plage des Sablettes, Souvenirs d’épaves quelle était la commande ? C’est étonnant car le texte débute comme un souvenir d’enfance sur la Seyne-sur-Mer et puis sans vraiment s’en rendre compte on est embarqué dans un polar.
La collection Noir Urbain, dirigée par Claude Mesplède pour les éditions Autrement, avait pour ambition d’établir une sorte d’état des lieux, à la fois géographique, social et littéraire, à travers de courtes histoires – tendance polars. Des instantanés du monde d’aujourd’hui, d’une certaine façon. On demandait donc à chaque auteur d’écrire une histoire autour d’un lieu bien réel et défini, les textes étant ensuite accompagnés de photos. J’ai sauté sur cette occasion pour parler un peu de mon quartier, de ma ville ; chose que jusque-là, je n’avais jamais osé faire, par trouille ou par pudeur. Mais il ne s’agissait pas de faire un guide géographique : avant tout, il fallait raconter une histoire. Une fiction ancrée dans un endroit réel. Je rassure donc l’éventuel lecteur : je ne raconte toujours pas ma vie dans ce bouquin !

Essayez-vous de varier vos formes d’écriture ? Dans Cent jours avec Antoine et Toine, vous flirtez avec le fantastique. Est-ce un genre qui vous intéresse ou était-ce lié au sujet du livre qui présente un homme qui revient sur son passé ?
Tout m’intéresse ! Comme je l’ai dit, je ne me pose pas la question du genre. La seule question qui me préoccupe est celle de la qualité. Et bien sûr, j’essaie de varier les plaisirs. Je n’ai pas envie d’écrire cinquante fois la même histoire, et encore moins de l’écrire cinquante fois de la même façon. Alors je cherche, j’explore. Pourquoi se restreindre ? Il y a tellement de voies (de voix ?) possibles dans la littérature. En même temps j’ai espoir de forger ainsi la mienne, originale et unique.

Vous écrivez aussi pour la jeunesse. Y a-t-il des contraintes particulières ? Comment s’inscrit cette écriture dans votre parcours ?
Elle s’inscrit bien, merci… Plus sérieusement, les textes pour la jeunesse font justement partie de ces expériences qui m’obligent à envisager d’autres formes d’écriture, à chercher des manières de raconter différentes. Car, même si les contraintes ne sont pas clairement énoncées, ce serait mentir que de dire qu’elles n’existent pas. A partir du moment où je sais que je suis censé m’adresser à un public jeune, je ne peux pas le faire exactement de la même façon qu’à un public adulte. Ne serait-ce que parce qu’un gamin de 10 ans ne possède pas le même bagage (intellectuel, culturel, psychologique) qu’un homme d’âge mûr. Enfin, en principe… Il n’est donc pas placé dans les mêmes conditions pour bien comprendre et apprécier les mêmes choses. Et puis, rien que la « jeunesse », c’est vaste. J’ai écrit des albums pour les 3-6 ans, ainsi que des romans pour les 12-15 ans : ce n’est déjà pas tout à fait pareil.
Mais quel que soit l’âge, le mot d’ordre reste : pas de concession sur la qualité ! Je donne toujours le meilleur de moi-même. Tout l’enjeu, toute la difficulté, et tout le plaisir consistent alors à réussir à toucher un petit bout d’chou de 4 ans ou un ado de 14 ans, sans pour autant les prendre pour des débiles et sans me trahir.

Ecrivez-vous sur commande ou proposez-vous des sujets vous-mêmes ?
J’ai fait les deux. Mais plus que des commandes, cela se fait souvent à partir de rencontres ou de propositions.

Vous avez souvent participé à des recueils de nouvelles collectifs. Quel est l’apport de ces écrits dans votre parcours personnel ?
C’est d’abord un honneur pour moi que de voir mon nom associé à ceux d’autres auteurs que j’apprécie. C’est aussi un moyen de « placer » une nouvelle, chose qui n’est pas toujours facile dans le panorama actuel de l’édition. Et c’est encore le plaisir de participer à une entreprise précisément collective, pour nous qui sommes le plus souvent confrontés à un travail solitaire. J’ai toujours aimé les sports co.

Quels sont vos projets littéraires ?
Devenir le plus grand écrivain de tous les temps. Vous voyez qu’on n’est pas rendus…

Propos recueillis par Brigitte Aubonnet 










































Pour visiter le site
de l'auteur :
www.marcusmalte.com





Mise en ligne :
mai 2006