Retour à l'accueil du site






Voyage au bout de la nuit

de

Louis-Ferdinand Céline


Entrer dans l’intimité d’un personnage, entrer en relation avec son créateur, entrer dans l’univers d’un certain Louis-Ferdinand Céline, pour le meilleur et pour le pire, voilà ce que nous propose au Lucernaire, Franck Desmedt, sur le plateau du Théâtre Noir, avec sa mise en scène de Voyage au bout de la nuit
Soit Franck Desmedt, campé dans le personnage de Ferdinand Bardamu, qui nous raconte ses démêlés au sein de la Première Guerre mondiale où il est soldat engagé volontaire. Il nous fait part, avec stupeur, de son vécu incompréhensible et pourtant si réel, des horreurs de la guerre, de son rapport à la mort avec des hommes qui cherchent à se tuer, et l’on comprend vite l’errance physique et psychique de ce pauvre diable de Ferdinand Bardamu.
Dans sa quête initiatique au contact de la réalité du monde, qui ne fait que commencer, le voilà parti pour l’Afrique où il fait la découverte du colonialisme avec son lot de lâches et de courageux. Il rejoint Alcide dans sa « cagna » tout au fond de la jungle. Ecœuré, par ce qu’il voit là encore, il s’enfuit en Amérique, découvre New-York, « la ville debout ». Travaille à la chaîne chez Ford. Rencontre Molly, une prostituée dont il tombe amoureux, un peu de soleil dans le noir de son existence. Il s’y attache. Elle aussi l’aime. Elle l’incite à retourner en France où il fait ses études de médecine avant de devenir médecin des pauvres. Mais sa fuite éperdue est sans espoir, il est trop morcelé à l’intérieur de lui-même, jamais il ne trouvera de solution à son trauma existentiel, en dehors de Molly, un court moment d’apaisement.

En ce début d’année, c’est un premier temps fort au Théâtre du Lucernaire avec la revisitation dramatique du roman de Céline Voyage au bout de la nuit qui, en 1932 – alors qu’on le pensait « Goncourt » – obtint le prix Renaudot. C’était, à cette époque, l’arrivée d’une météorite dans la littérature avec un roman qui renouvelait la narration par les mots d’une prose inédite qui, de manière magistrale, imitant le langage parlé, refusait le français écrit correctement.
En un « théâtre noir » quasiment nu, en dehors d’une poubelle et d’un broc d’eau qui composent l’unique décor du spectacle, voilà « un voyage au bout de la nuit » ingénieusement dramatisé par Franck Desmedt (Molière 2018 du comédien dans un second rôle pour Adieu monsieur Haffmann), qui adapte l’œuvre mythique par une mise en scène simple et vive. Il se balade verbalement et laisse entendre les labyrinthes noirs de Bardamu. Il  met en scène l’agressivité, la révolte et le cynisme de ce personnage iconoclaste. À petits pas intuitifs, il nous conduit au cœur de l’âme célinienne. Les effets sont savoureux et expressifs et, au fil de la pièce, on voit émerger en décalcomanie l’hypersensibilité d’un Céline jusqu’à ranimer sa présence.
Voilà du grand art. Sont réunis les éléments dramatiques générés à partir d’un roman hors norme écrit par un auteur non moins controversé. Voyage au bout de la nuit est à l’affiche au Lucernaire jusqu’au 3 février. Amateurs céliniens, voilà une pièce à l’intérêt tout à fait captivant.

Patrick Ottaviani 
(16/01/19)    



Retour
Sommaire
Une loge
pour le strapontin












Théâtre du Lucernaire


53, rue N.-D. des Champs
75006 PARIS

Location :
01 45 44 57 34



Voyage au bout de la nuit
de
Louis-Ferdinand CELINE

Mise en scène et avec
Franck DESMEDT
(Molière 2018
du comédien
dans un second rôle dans
Adieu monsieur Haffmann)

Adaptation
Philippe Del Socorro

Lumières
Laurent BEAL

Régie générale
Lucien ABLINE