Retour à l'accueil du site






Le repas
des fauves


d'après Vahé Katcha



Durant les périodes troubles des nations, certaines couches de population restent en marge des événements. En fait pas totalement mais suffisamment pour ne pas mettre un orteil dans la mouvance. On n'y est pour rien et on ne verra rien, ni de bien ni de mal, pour être concerné par cela. Pourtant parfois sans même que l'on puisse l'imaginer cela nous rattrape et nous plonge jusqu'au cou dans cette mouvance que nous laissions couler tranquillement sous nos fenêtres.
C'est de cela dont Le repas des fauves nous parle.

Inspirée d'un roman de Vahé Katcha, écrivain français d'origine arménienne, adaptée puis mise en scène par Julien Sibre, cette pièce jouée actuellement au théâtre Michel est à ne manquer sous aucun prétexte.

La trame commence bien, nous sommes en 1942 dans un appartement cossu du Paris occupé. C'est l'anniversaire de Sophie la maîtresse de maison. Les convives arrivent peu à peu avec chacun leur part de présents pour madame et de produits de contrebande pour alimenter le repas : saucisson ! pâté de premier choix ! café en grains ! et Champagne !!! On comprend très vite par de petites touches de réflexions que les sept personnages de cette petite fête vivent confortablement malgré l'occupation allemande. Mais voilà le destin ou le hasard sans aucune raison, sans aucune préméditation vient s'inviter à leur fête : sous les fenêtres de l'appartement, dans leur rue si calme d'habitude, deux officiers allemands sont abattus par un résistant. En représailles, dans leur immeuble de dix demeures, la police allemande s'empresse de récupérer deux otages par logis. Au hasard encore !... Mais voilà, l'officier chargé de cette mission connaît bien le maître de maison, monsieur Victor Pélissier, libraire dans la boutique duquel il achète régulièrement des ouvrages. Il veut se montrer "courtois", "humain" et pour ne pas choisir lui-même ses victimes, il demande aux sept convives de choisir à sa place les deux otages dont il a besoin pour faire le compte.

Après l'effet de stupeur de cette intervention et du verdict de l'officier qui se retire en attendant leur décision, nos convives entrent peu à peu en enfer… Ce n'est déjà plus le purgatoire, c'est l'enfer ! Celui où la pure morale de l'homme vacille. Entre amis on ne peut pas choisir la part du feu… enfin nous pourrions le croire ; mais le feu est bien là et il faut qu'il s'éteigne rapidement sous nos pieds.
Ce qui suit ne concerne plus uniquement les acteurs sur la scène de ce drame, mais les spectateurs qui le regardent : qu'aurions-nous fait si nous étions du nombre des ces amis-là ?

L'humour qui s'égraine avec finesse tout le long de la pièce permet de rendre la tension supportable et le silence qui enveloppe la salle du Théâtre Michel est par moment creusé d'éclats de rire libérateurs.

Chacun des protagonistes cherchera au plus profond de ses ressources (mauvaises ou bonnes) le moyen d'échapper à cette mort trop proche. "On est prêt à tout pour échapper à la mort". Chacun étalera la preuve de sa légitimité à survivre. Tous les moyens sont bons : le mensonge, la manipulation, l'argent, voire l'honneur ! Et les pierres que nous aurions pu avoir à nos pieds, nous spectateurs, il nous aurait été difficile de les lancer sur l'un ou l'autre de ces personnages.

Que vont décider au bout du compte Olivier Bouana (Victor Pélissier le libraire), Cyril Aubin (le docteur Jean-Paul Pagnon), Pascal Casanova (André Lequebec industriel), Stéphanie Hédin (Françoise veuve de guerre), Jérémy Prévost (Pierre l'ancien combattant), Julien Sibre (Vincent le professeur de philosophie), Caroline Victoria (Sophie Pélissier dont c'est l'anniversaire), je vous laisse le découvrir en allant voir Le repas des fauves au Théâtre Michel.

La mise en scène de Julien Sibre et le décor de Camille Duchemin sont remarquables. Sur la baie vitrée de l'appartement des Pélissier sont projetés par moment de véritables bijoux d'animations réalisés par Cyril Drouin ; animations qui relatent les scènes qui se déroulent dans la rue et permettent d'éclairer la narration de la pièce.

La chute est surprenante mais surtout moralement consolante, même si elle ne répare pas les dégâts provoqués par les faiblesses de ce groupe d'amis dans une telle situation.
En sortant du théâtre Michel, j'ai toutefois tapoté rassuré et avec tendresse mon carnet d'adresses enfoui dans ma poche, côté cœur ; mes amis y figurent bien et y resteront.

David Nahmias 
(03/03/11)    



Retour
Sommaire
Une loge
pour le strapontin












Théâtre Michel

38, rue des Mathurins
75008 Paris

Billetterie :
01 42 65 35 02



D'après l'oeuvre de
Vahé KATCHA

Adaptation et
mise en scène
Julien Sibre
Assisté par
Isabelle Brannens

Avec
Cyril Aubin
Olivier Bouana
Pascal Casanova
Stéphanie Hédin
Pierrejean Pagès
Jérémy Prévost
Julien Sibre
Caroline Victoria

Création lumière
Stéphane Loirat

Décor
Camille Duchemin

Costumes
Louise Rapp

Musique originale
Hedinski

Réalisation graphique
Cyril Drouin





Le repas des fauves
a été adapté au cinéma
par Christian-Jaque
en 1964