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Philippe BRAZ
Marylin, la secrétaire s’est endormie, la tête dans ses bras, en écoutant le chant des baleines diffusé par son magnétophone. Elle ne sait pas ce qui est arrivé au chef. Chacun est enfermé dans ses propres réflexions, sa propre logique. Marylin, outre le chant des baleines, aime la poésie et se révèle sensible aux malheurs des autres. Quand elle se réveille et comprend ce qui est arrivé au chef, sa question est de savoir comment ils ont pu en arriver là. Pour sa part, elle ne supportait plus le langage qu’on lui imposait dans son travail, « un langage pourri, faisandé comme une carpe oubliée par un pêcheur sous la pluie », un langage « fait pour dissimuler, assimiler, simuler, avaler nous avaler tous ». « Nous ne savons plus penser, nous ne savons plus réfléchir, nous ne savons plus regarder, nous ne savons plus aimer… » Barnabooth, lui, a tout du mâle dominant. Il réfléchit, cherche une solution, apostrophe les deux autres, lançant à Fenimore « Tu es ce que tu es, un gastéropode et un criminel » et à Marylin « Tu as une cervelle à peine plus grosse qu’une lime à ongle. » Il a le langage vif et la voix qui porte. Il ne cherche surtout pas à comprendre les autres. « Personne n’a à comprendre quiconque sur cette terre ! Comprendre, cela veut dire en d’autres termes : accepter, se résigner, s’affaler et s’éteindre. Nous sommes des hommes debout. Des hommes obtus et incompréhensibles. » Et pendant que les trois employés brassent leurs réflexions, une stagiaire frappe à la porte pour entrer dans le bureau. De plus en plus fort au fil de la pièce. Le monde extérieur se rappelle ainsi au souvenir des trois personnages enfermés dans la pièce, dans leurs questionnements et leurs joutes verbales. Le texte est suivi d’un « carnet » qui décline des informations sur les baleines et les cachalots, sur la symbolique de ces géants marins, avec des regards vers Moby Dick ou Paul Gadenne. Philippe Braz livre encore un texte fort, qui suscite la réflexion, l’interrogation sur nos propres fonctionnements, nos rêves, nos aspirations, nos déceptions, notre rapport au monde et aux autres, avec des personnages qui nous poussent dans nos retranchements en nous amenant à partager, selon les moments, les propos de l’un ou de l’autre. Serge Cabrol (06/06/16) |
Accueil Théâtre Le Bruit des Autres 104 pages, 13 € En couverture, une gouache d'Arthur Mihran
Vous pouvez lire sur notre site un entretien avec Philippe Braz et découvrir d'autres textes du même auteur : Off-Shore Eden Hôtel Berlin-loin-de-la-mer |
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