Lire du théâtre n’est pas toujours facile mais les deux pièces : Les Mains dans le ventre et Foyer Jardin, même si nous serons ravis de les voir jouer sur scène, sont déjà un plaisir de lecture.

Les Mains dans le ventre mettent en scène Guignol et les problèmes rencontrés par Laurent, le chef de troupe qui tient à bout de bras le théâtre de marionnettes avec Rose, sa femme, Pierrette, sa fille et Victor, un étudiant apprenti au théâtre. Payer le loyer et faire face à toutes les charges est difficile pour faire vivre la passion des marionnettes. Nous vivons dans l’envers du décor et partageons les bonheurs et les écueils de la fabrication et de la manipulation des marionnettes : « Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas une lubie de la tradition. On joue avec la main gauche pour que la main droite soit libre de faire passer les accessoires et de ganter les comparses. Laurent Mourguet, qui a inventé Guignol, était certainement droitier. Quand tu joues seul, ce n’est pas un détail. Allons-y. »
Guignol discute aussi avec le marionnettiste car la manipulation n’est pas toujours aisée, le métier est dur.
Guignol n’a pas sa langue dans sa poche malgré la censure, il dénonce le maire qui place de l’argent en Suisse, il critique la société et révèle tous les problèmes qui la minent : « Alors je serai au chômage mais je serai pas chômeur. Ça sera bon pour moi et ça sera bien pour eux qui doivent pas compter les chômeurs vu que le maire a décidé la fin du chômage pour tous. »
Beaucoup d’idées, de réparties, de problèmes soulevés, d’enthousiasme et de découragement pour un métier qui est une passion.
Paul Fournel connaît bien l’univers de la marionnette qu’il a nous fait partager dans plusieurs ouvrages et que nous retrouvons avec plaisir dans cette pièce où l’humour grinçant révèle toute une réalité et une liberté qu’il est essentiel de préserver dans un monde où le contrôle, la délation et la censure cherchent de nouveau à nous museler.

Foyer Jardin nous mène côté jardin auprès de trois acteurs qui jouent l’un Tartuffe, l’autre Le Cid et Mary, la bonne de La cantatrice chauve. Tous les trois se retrouvent dans les coulisses avant d’entrer en scène. L’envers du décor nous montre leurs « trucs » pour résister : « Si tu as besoin de te concentrer, c’est que tu n’es pas dedans et si tu n’es pas dedans, ce n’est pas la peine de jouer. Tu vas déraper. Viens, on va bavarder. » Nous partageons aussi les moyens de combler les trous de mémoire : « Si tu savais tout ce que j’ai pu faire rimer de travers dans le théâtre français ! Corneille s’en fiche, Molière rigole et Racine fait la gueule, mais ça ne dure pas. Ils feraient n’importe quoi pour être joués, ils ne sont pas trop regardant sur les fins de vers… »
Ils ont des âges, des expériences, des angoisses différents mais tous veulent être aimés. Le métier d’artiste et de créateur n’est jamais facile. Ils nous donnent et ils se donnent totalement mais à quel prix. Leur équilibre personnel est souvent fragilisé par le doute, la terreur de ne pas être à la hauteur de l’attente du public.

« C’est ça le théâtre, c’est un lieu de surprises, une boîte magique d’où il peut sortir n’importe quoi, n’importe quand… Il faut être prêt à tout, tout peut arriver, tout doit arriver ! »
Un grand moment de théâtre à lire, à jouer, à partager.

Brigitte Aubonnet 
(12/07/08)