Retour à l'accueil du site






Ce qui arrive et ce qu'on attend

de
Jean-Marie BESSET





Derrière une imposante porte dont un huissier figé contrôle l’accès, un couloir rouge mène à un lieu de pouvoir. Elle s’ouvre par moment soit pour introduire un visiteur dans le saint des saints ou tout simplement faire connaître une information aux gens qui sont présents dans cette antichambre ministérielle.

Deux hommes sont sur le point d’être reçus car les conditions d’un pharaonique projet gouvernemental vont effectivement être décidées. Or l’un et l’autre font partie des distingués architectes en compétition. Cependant leur attente se prolonge car le ministre est en retard.

Cette prérogative des pouvoirs pour faire attendre évoque ce que Barthes qualifia "passe-temps millénaire de l’humanité". Celui-là va progressivement faire monter la tension des deux rivaux bien au delà de ce qu’ils sont capables de maîtriser. Ainsi, cette attente encore prolongée et leur énervement croissant vont rejoindre bien d’autres de ces moments qui jalonnent la vie des hommes.

En effet de l’affectif en recherche de l’autre au pouvoir qui valorise l’ego, de la prière accompagnatrice des croyances à la réussite tous azimuts, ces diverses sortes de choses que nous désirons posséder ou conquérir sont toujours précédées d’attentes.

Et ces dernières sont d’autant plus pénibles à vivre qu’on les ressent comme infondées, prétentieuses ou humiliantes. Voire plus quand Beckett s’en mêla.

Dans Ce qui arrive et ce qui attend, Jean-Marie Besset n’additionne pas ces attentes très souvent dominatrices comme une participation au monde de l’absurdie ce qui, de toute évidence, différencie les deux dramaturgies. Cependant, point commun avec l’auteur de En attendant Godot, il nous les fait vivre comme un grand moment de cruauté et de dérision associées.

Arbitré par la perversité d’un personnage totalement amoral ou le cynisme d’une fascinante femme de pouvoir, ses caustiques dialogues baignent dans un humour décapant. Ce faisant ils ne laissent guère de choix aux autres protagonistes qui, faute de ne pouvoir s’en éloigner pour éviter de profondes blessures, expriment à la façon d’Alfred de Musset combien l’attente d’être heureux devient une souffrance.

Il n’échappe à personne que tous en sont touchés et que les plus faibles en meurent. Reste que si l’analyse est sévère, la description de ce mécanisme n’est pas qu’une fiction de théâtre peinte ici au scalpel plus qu’au couteau mais qu’elle baigne insidieusement le quotidien des hommes.

La talentueuse équipe réunie par Arnaud Denis au Vingtième Théâtre démontre d’une manière heureusement provocante pourquoi la fête accompagne si rarement l’attente.

Claude Chanaud 
(30/08/10)    



Retour
Sommaire
Montreurs d'ours








VINGTIEME THEÂTRE


7 rue des Plâtrières
75020 PARIS

Métro : MENILMONTANT

Réservation :
01 43 66 01 13


Mise en scène
de Arnaud DENIS

avec
Virginie Pradal
Jean-Pierre Leroux
Arnaud Denis
Blanche Leleu
Adrien Melin
Jonathan Max-Bernard
Niels Adjiman


En coréalisation avec
Les Compagnons
de la Chimère








Le texte est publié chez
Actes Sud-Papiers