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Photo © Brigitte Enguérand


Le mariage

de
Nikolaï GOGOL





L’âme sœur était cachée dans le placard…



Dans Le mariage que le théâtre du Vieux Colombier vient de remettre à la mode, Agafia Agafonovna, héroïne assez innocente convoitée par plusieurs hommes qui le sont moins, nous dit sa solitude et son anxiété du fond d’un meuble du genre placard dont elle ferme ensuite les portes… de l’intérieur.

Métaphorique et amusant procédé de mise en scène, Lilo Baur meuble, si j’ose dire ainsi, l’intime pensée de cette jeune fille d’un ancien temps au moment où elle va préciser : Quelle complication… choisir ! S’il n’y en avait qu’un ou deux… mais quatre !

Parallèlement (et dans un autre quartier de Moscou) un célibataire de la même génération, couché sur son divan, conclut sa récurrente réflexion tout en fumant sa pipe : « Quand on se met à réfléchir bien posément, ça crève les yeux que pour finir, il faut passer au mariage. »

Ce serait mal connaître l’auteur de cette comédie si l’on concluait que là sont réunies les prémisses d’une heureuse union. Pourtant Fiokla Ivanovna, une "marieuse" opérant dans le Moscou de cette époque, connaissait bien l’un et l’autre et son intérêt était de favoriser ce genre d’association pour deux jeunes gens où la dot accompagnatrice de la fille et la façade de sa maison en pierre jouaient un rôle incitateur.

Par les soins largement suspects de cette entremetteuse, plusieurs hommes vont effectivement se présenter mais l’huissier Omelette, un des cinq prétendants, résume de cette façon une âpreté plutôt partagée et plus ou moins bien camouflée : « Une maison sans cuillères en argent… ça ne ressemble à rien. »

Sous les regards vigilants de la tante Arina Pantéleïmonovna et de Douniachka, la bonne traditionnelle des maisons bourgeoises, Agafia va donc nous confier ses états d’âme et aider à la révélation progressive des pensées profondes de ses prétendants sans négliger pour autant de nous révéler ses angoisses adolescentes.

Tous campent des personnages vraisemblables de cette époque. Ce faisant, la pièce révèle à nos yeux que Le mariage du sarcastique Gogol apportait une meilleure connaissance des motivations humaines concernant l’institution sacrée. De tout cela, ressort la contradiction éternelle des sentiments avec les calculs des opportunistes rodant autour des héritières. Et quels que soient les strates sociales !

Le phénomène qui n’est pas récent perdure sans aucun doute de nos jours. Mais grâce à une nouvelle vision de cette comédie grinçante où la présentation des faits passe par le truchement de la caricature, on évolue de la compréhension du problème au rire lucide. On a tout compris. Les motivations des unes qui attendent gentiment d’avoir la bague au doigt et celles des autres que leurs calculs ridiculisent passent sur la scène du Vieux Colombier au moulinet d’une présentation très farceuse que Nikolaï Gogol n’aurait vraisemblablement pas reniée. Elle illustre gaiement l’universel des contradictions et des hypocrisies de ces couples en formation sans empêcher des fuites opportunistes ou opportunes.

Sur scène, les dix protagonistes de ce conflit sont brillants et dynamiques. Les décors de James Humphrey accompagnent heureusement le rythme vif de la mise en scène et les costumes d’Agnès Falque collent très heureusement aux personnages.

Claude Chanaud 
(27/11/10)    



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Montreurs d'ours






Théâtre du
Vieux Colombier

21, rue du Vieux Colombier
75006 Paris

Réservation :
01 44 39 87 00 / 01




Traduction
André Markowicz

Mise en scène
Lilo Baur

Avec
Yves Gasc
Catherine Sauval
Jean-Baptiste Malartre
Alain Lenglet
Clotilde de Bayser
Laurent Natrella
Julie Sicard
Nicolas Lormeau
Nâzim Boudjenah
Géraldine Roguez

Décor
James Humphrey

Costumes
Agnès Falque

Lumières
Christian Dubet

Création sonore
Mich Ochowiak









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