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Don Juan de Bertold Brecht d'après Molière
Éloigné depuis fort longtemps du nombrilique Don Juan qu’une longue tradition littéraire maintenait dans l’image d’un héros libre et révolté, j’étais également distancié de ce partisan d’une liberté « tous azimuts » essentiellement mobilisé sur la sienne ! J’ai donc été voir le Don Juan de Molière revu par Brecht avec plus de curiosité que de conviction. J’en suis ressorti sous le charme d’une approche heureusement renouvelée qui renvoyait à la dimension épique caractérisant son auteur. Et, en substituant un petit-bourgeois un peu bestial et pas forcément intelligent au seigneur supposé inspiré dont le désir d’absolu et le sens de la provocation accompagnaient une évidente démesure, Bertolt Brecht l’a lucidement dépouillé de son aura traditionnelle. Contrairement à ses nombreux prédécesseurs le prétentieux séducteur n’appartient plus à une classe sociale qui le sortait de l’anonymat. Il apparait simplement… sans classe du tout ! Mais ça n’est pas qu’un mot opportun. Le Don Juan nouveau qui est sur la scène du Théâtre de L’Œuvre n’est pas étranger au monde que nous connaissons car nous croisons souvent à notre époque ce type de mercenaires de la jouissance immédiate dont l’objectif demeure les conquêtes de tous ordres pour lesquelles les moyens importent peu. Deux clins d’œil chansonniers concernant ce contemporain climat vont souligner la chose de manière amusante, mais mon éloge ira surtout au coté imaginatif et créatif de Jean-Michel Vier qui orchestre ce maelstrom scénique avec une dérision à l’Italienne. Y compris dans le choix des accessoires. Ce théâtre-là s’inscrit de manière particulièrement heureuse dans notre désir d’une scène libérée de ses lourdeurs originelles car il pianote l’allégresse et il contribue à la désacralisation d‘un Don Juan plus hidalgo que moi tu meurs. De plus, la mise en scène de Jean-Michel Vier aussi endiablée que joviale se complète d’une excellente distribution. Je veux souligner par là qu’il s’agit d’un rare collectif ! Non seulement l’absence d’un vedettariat étouffant le confirme mais leurs talents font que ces six comédiens assument en permanence et avec brio des changements de rôle époustouflants. Et que pêcheurs siciliens, femmes sensibles ou serviteurs lucides… ils en jouent avec une louable légèreté. Ce Don Juan mérite l’hommage des amateurs qui, au-delà des grands mythes d’une tradition qui perdure, privilégient les approches humanistes et rieuses. Voilà un savoureux bonheur de scène. Claude Chanaud |
Sommaire Montreurs d'ours Théâtre de L'Œuvre 55, rue de Clichy 75009 Paris Réservation : 01 44 53 88 88 Don Juan de Bertolt Brecht d’après Molière Mise en scène Jean-Michel Vier Avec Valérie Alane Sylvain Katan Charlotte Rondelez Guy Segalen Pierre Val Cédric Villenave Traduction Michel Cadot Scénographie Christoph Guillermet et Jean-Michel Vier Musique originale Vadim Sher Costumes Elisabeth Martin |
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