Les Barbares

Avignon :

un non-bilan



Comme la plupart des plumitifs parlant d'Avignon, je ne fus présent à la grande foire des petites scènes qu'une seule semaine. Soit sept jours à quatre spectacles quotidiens. C'est à dire moins de 5 % du total. J'y reviens chaque année avec l'espoir de découvrir des bonheurs de tréteaux, voire des révélations porteuses ! C'est quelquefois le cas. Puis, je prête également l'oreille aux élites bavardes du moment prodiguant leur avis sur le théâtre contemporain et sur son rôle dans la société. Et, j'essaie de comprendre.

Enfin, je cherche dans le IN et dans le OFF. Pas toujours bien informé et un peu au hasard, je l'avoue car je n'écoute pas vraiment les maîtres à penser. L'an passé, un plasticien nombrilique, héros éphémère du IN avait parlé de "rééduquer la critique". Nous n'avions pas compris son message.

Cette année, d'autres élites ont entonné la même chanson en déclarant la critique "indigente" au point que le quotidien L'Humanité a rappelé sous la plume de Jean-Pierre Léonardini que sans la liberté de blâmer il n'est point d'éloge flatteur. La preuve en est faite une nouvelle fois : il faut rester vigilant car notre démocratie ne manque pas de prophètes prétentieux se saisissant du micro ou des médias comme des gloutons. Laissons donc les artistes imaginer des spectacles innovants, les critiques en parler et le public faire ses choix sous peine de nous mener insidieusement vers des formatages idéologiques regrettables. On a déjà donné au siècle précédent !

Voici mes coups de cœur de l'an 2006 qui sont évidemment partiels et partiaux. Dans le IN, j'ai aimé SIZWE BANZI EST MORT. Peter BROOK nous y fait comprendre la souffrance de l'Africain en rupture de sa culture, de son identité et de ses ancêtres. Mais l'on ne peut comprendre sans partager quelque chose. Ainsi, grâce à la prestation ludique de HABIB DEMBELE et de PITCHO WOMBA KONGA, j'ai partagé et je ressens un très grand respect pour cette culture africaine méconnue. Je respecte aussi la culture russe mais mon postérieur ne m'a pas pardonné d'avoir vu LES BARBARES. Trois heures et demi pour ce Gorki-là, c'était trop long. Ou pour ce GORKI long… j'étais trop las. Au choix !

Et dans le OFF : Au Théâtre du Jardin des Cultures d'Europe, j'ai rencontré Luigi RIGNANESE un magnifique conteur italien qui marie la tradition méditerranéenne avec une pensée subversive et un délire poétique sans égal. Il mérite effectivement une scène parisienne car il est parfaitement bilingue mais, mystère d'un grand talent, on le comprend également quand il parle italien.

Puis, j'ai découvert deux fois Louis CALAFERTE. Notamment au Gilgamesh Théâtre où j'ai vu L'AQUARIUM et UN RICHE, TROIS PAUVRES. La première pièce est caustique et d'une réjouissante corrosiveté si vous m'autorisez le néologisme. La seconde joint aux deux qualités précédentes une mise en scène étonnante où trois personnages semblent sortis d'un dessin de CHAVAL. Ils se révoltent avec la coopération de Guignol et tirent la conclusion de leur triste quotidien en compagnie d'une inquiétante corde. Revenu à Paris, j'ai acheté tous les CALAFERTE en rayon chez mon libraire.

Enfin deux autres rencontres me furent bonheur : D'abord François MOREL et son complice Olivier SALADIN dans BIEN DES CHOSES au Théâtre du Chien qui Fume. Un savoureux dialogue construit avec des cartes postales porteuses de lieux communs. Du grand Art ! La salle est comble.

Et, par un heureux hasard, j'ai rencontré Jean-Louis BOURDON la veille de mon départ. Il rôdait son nouveau spectacle à la péniche Makara amarrée sur le Quai de la Ligne. Ses textes sont toujours aussi efficaces et le sujet (éminemment politique et porteur d'une saine dérision) est vu par un personnage haut en couleurs qui nous révèle le dessous des cartes. C'est Jean-Louis (lui-même) qui interprète BOURDON à la manière de COLUCHE et qui provoque le citoyen inquiet avec force et finesse à la fois. Avant sa rentrée de septembre, BOURDON tient à la disposition de tous son JOURNAL DUN FACHO. Professionnels, associations ou particuliers, appelez-le dès maintenant au : 06 14 64 13 03. Vous aurez le privilège de ce scoop.

Je vous l'avais annoncé en sous-titre, cet article n'est qu'un modeste "non-bilan". Reste que cette année Avignon a battu des records de fréquentation. Ainsi vit le théâtre contemporain.

Claude Chanaud 
(04/08/06)    



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Montreurs d'ours











Sizwe Banzi est mort







Les Pièces baroques
de Louis Calaferte
(1928-1994) ont paru
aux éditions Hesse.



Les textes de Jean-Louis Bourdon ont paru
chez Flammarion
et Actes Sud.