L'avare

avec
Michel Bouquet

L'AVARE mis en scène par Georges Werler est une de ces représentations théâtrales de la saison qualifiées d'incontournables. Pour deux raisons essentielles. Non seulement, c'est une de ces immenses pièces classiques que les metteurs en scène éclairent, les uns après les autres, de leurs conceptions, quelquefois de leurs phantasmes modernistes, mais c'est également pour un comédien au parcours prestigieux la possibilité de rentrer dans un grand rôle du répertoire et de le marquer à la fois de sa personnalité et de son talent.

J'en viens à ce cru 2007 où, à mes yeux, l'exceptionnelle mobilisation médiatique réside surtout dans l'arrivée de Michel Bouquet dans le personnage imaginé par Molière. Effectivement, Harpagon le riche… le radin… le calculateur… l'homme absolument détestable et veule… suscite toujours un immense rejet. Aujourd'hui comme hier. Or, il est joué cette saison au Théâtre de la Porte Saint-Martin par un immense comédien attendu avec un préjugé éminemment favorable. La sympathie et l'admiration qu'il suscite retombent donc, pour une part, sur le personnage avaricieux pourtant plus près de la paranoïa que d'un comportement équilibré.

Certes, ce dernier nous éclaire sur l'éventail très large des avares car certains cachent mieux leur jeu que d'autres. Néanmoins, une fois de plus, la question se pose de l'interprétation d'un personnage particulièrement antipathique par un comédien qui a atteint, au-delà de la faveur et de la grande sympathie du public, le niveau du mythe. De plus, Michel Bouquet interprète ce rôle avec une légèreté louable mais, tout en respectant à la lettre le texte originel de Molière, il tient à distance quelques conventions de la tradition classique.

Le mixage des époques, indiqué par la coexistence sur la scène de costumes contemporains avec ceux du XVIIIème, souligne le côté intemporel de ce drame. Mais, là aussi – malgré quelques trouvailles ressortissant à la fois du costume et du décor, telle celle des hommes chevaux de la chaise à porteur –, cette audace participe d'un souci évident de présenter une version rénovée.

Est-ce que cette interprétation assez baroque et un peu provoc est liée à l'aspect "farce" qui fut longtemps la marque du dramaturge Molière ? Est-ce tout simplement la vision d'un metteur en scène désirant caricaturer le côté dérisoire du grand radin ? En fait, il m'a personnellement manqué pour un bonheur sans nuage quelque chose de plus proche de l'abominable Harpagon de la tradition. Quelque chose en somme de plus cohérent avec le profil d'un tyran domestique.

Je préfère effectivement pour ce personnage, détestable à plus d'un titre, une interprétation demeurant tragiquement sordide plutôt qu'ironiquement démoniaque. Il reste au bénéfice d'une équipe composée d'excellents professionnels une soirée qui ne laisse pas insensible les spectateurs de la Porte Saint-Martin. Loin de là. La salle est comble.

Michel Bouquet s'amuse vraisemblablement de ses rires et de son hommage puis, à petits pas de lutin économe, comme dans la pièce qu'il vient de jouer, il va rechercher les autres comédiens pour le salut final. Les rappels enthousiastes ne peuvent pas le laisser dans le doute. Ni de son talent ni de sa popularité.

Claude Chanaud 
(22/02/07)    



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Montreurs d'ours





Théâtre de la Porte Saint-Martin

16, bd Saint-Martin
75010 Paris

Réservation :
01 42 08 00 32



Mise en scène :
Georges Werler




Avec


Michel Bouquet
Juliette Carré
Jacques Echantillon
Bruno Debrandt
Benjamin Egner
Marion Amiaud
Jacques Bleu
Sophie Botte
Olivier Lefevre
Sylvain Machac
Pascal Nawojski
Patrick Payet
Sébastien Rognoni
Fabienne Vette