L'Antichambre
de
Jean-Claude Brisville








Reprise au Théâtre Hébertot de L'Antichambre où Suzanne Flon brilla au cours de l'an 1991. Cette pièce historique reprend le chemin du succès d'antan et cela n'étonne personne. En effet, le texte n'a pas pris une ride. De plus le metteur en scène Christophe Lindon a réussi le pari de faire bouger harmonieusement ses comédiens sans nuire à l'efficacité de leurs percutants échanges. Et, en se coulant dans leur personnage, ces derniers réalisent un parcours distingué.

Cela laisse peu de place à la critique. Y compris pour ceux qui réclament de l'historique "pur jus" parce que le très vraisemblable se retrouve dans cette pièce, aussi bien dans la langue châtiée de Jean-Claude Brisville que dans le décor de Catherine Bluwal.

L'action se passe durant cette partie du XVIIIème siècle où le Paris qui s'éveille à une vie de grande capitale va marginaliser le Versailles figé de Louis XIV et où quelques femmes de ce temps vont systématiser les rencontres de tout ce qui compte dans la société. Dans leurs élitistes salons, elles vont effectivement devenir des animatrices opportunes ou des catalyseurs d'opinion.

Les grandes questions de l'époque sont leur pâture journalière et leur langue baignée du classicisme ambiant n'a pas peur des mots. Justice… laïcité… liberté… dissipation des ténèbres moyenâgeuses… augmentation des connaissances… utopie nécessaire… tout cela, toujours d'actualité dans notre monde contemporain, faisait déjà l'objet de raisonnements sans concession dans les cercles sophistiqués de cette époque. Là où des esprits novateurs analysaient les problèmes de cette période pré-révolutionnaire et proposaient des réformes drastiques.

Parmi les dames tenant salon, Marie du Deffand peut se targuer de l'amitié de Voltaire et de ses relations avec les esprits les plus affûtés du moment, mais elle perd la vue en vieillissant et se plaint d'être sur la Terre. « Toutes les espèces me paraissent malheureuses de l'ange à l'huître ».

Cependant, tempérament fort et lucide, elle se méfie de ses amis philosophes « Ils n'ont donné congé à Dieu que pour dire la messe à la Philosophie ». En même temps, elle remet Dieu à sa place aussi efficacement qu'un congrès sur la laïcité : « Il monologue par essence. On ne le supporterait pas dans un salon ».

Pour pallier sa déficience visuelle, elle utilise les services d'une proche parente (une bâtarde, dit-elle) qui deviendra sa lectrice, l'intelligente et belle Julie de Lespinasse. Toute la pièce va bénéficier de leurs distances mutuelles vis-à-vis des problèmes du moment. Et surtout de leur compétition dans l'art de fidéliser autour d'elles une élite de philosophes et d'écrivains.

Leur conflit, un temps à fleuret moucheté et un autre à guerre ouverte, est un spectaculaire duo où Danielle Lebrun (Madame du Deffand) et Sarah Biasini (Mademoiselle de Lespinasse) réalisent chacune une magistrale prestation, arbitrée par l'excellent Roger Dumas dans le rôle du Président Hénault. Vous l'avez compris, ces trois interprétations sont un bonheur pour l'amateur.

Claude Chanaud 
(16/02/08)    



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Montreurs d'ours





Théâtre Hébertot

78 bd des Batignolles
75017 Paris

Réservation :
01 43 87 23 23



Mise en scène :
Christophe Lindon



Avec
Sarah Biasini
Danielle Lebrun

et
Roger Dumas









Le texte est publié
par Actes Sud


Le Souper
suivi de
L'Entretien de
M. Descartes avec
M. Pascal le Jeune

et de
L'Antichambre

200 pages - 6,50 €