Photo © Lot

Jacques et son maître

de
Milan Kundera




Deux voyageurs bavardent en marchant. Ils s’interrogent parfois sur leur destination et, tout en se racontant leurs vies passées et leurs amours, ils réfléchissent aussi sur le sens de leur existence. Leur démarche est donc à la fois primesautière et réflexive, mais souvent truculente, à la manière de Denis Diderot dans son roman Jacques le Fataliste et son Maître.

Milan Kundera, l’auteur de cette pièce écrite à partir du célèbre texte du précédent, va accompagner à son tour et observer Jacques, le valet, et celui qui s’affirme son Maître devant Dieu et les hommes. Et de bavardages ou de confessions souvent coquines en interrogations métaphysiques, leur périple parcourt d’abord la carte du Tendre avant d’aborder l’universel.

En entendant les deux hommes surfer sur les opportunités de leur escapade et les commenter, on pense à la Commedia Dell Arte des comédiens de tréteaux improvisant sur un canevas défini par avance, ce que Nicolas Briançon met en scène avec efficacité. Ainsi, la vis comica devient follement picaresque. Gil Blas et Don Quichotte ne sont pas loin.

Parallèlement à leurs questionnements rejoignant sans conteste l’esprit raisonné de l’Encyclopédie, le jeu imaginé par l’auteur est donc aussi un questionnement sur l’essentiel : Où va-t-on ?

Et puis, florilège heureux de narrations imagées avec un rare brio, on assiste à un carrousel vivement animé d’où la satire sociale émerge. De plus la réflexion des deux compères se présente enfin comme un contrepoint nécessaire au déterminisme. Parodique en diable, cela sonne la fin des certitudes d’une époque et l’arrivée d’une pensée moderne à la fois critique et impertinente.

Les idées des deux voyageurs s’opposent. Evidemment. Mais également la manière de les traiter car, dans cette fort brillante comédie, trois histoires d’amour accompagnatrices s’interfèrent sans que cette complexité apparente en gène la compréhension.

Aussi léger que sa réflexion est profonde et aussi intelligent que sa liberté de ton est réjouissante, voilà un excellent théâtre. Et comme un bonheur ne va jamais seul, la troupe qui l’anime nous met également en euphorie. Sans interruption de rythme. Sur le décor volontairement minimaliste de Pierre-Yves Leprince, Yves Pignot et Nicolas Briançon mènent la danse avec un enthousiasme communicatif. Leur bonheur de jouer est visible.

Et celui des spectateurs du Théâtre 14 se mesure en nombreux rappels.

Claude Chanaud 
(17/11/08)    



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Montreurs d'ours









Théâtre 14
Jean-Marie Serreau


20 av. Marc Sangnier
75014 Paris

Location :
01 45 45 49 77


Mise en scène :
Nicolas Briançon
assisté de
Pierre-Alain Leleu

Avec :
Nicolas Briançon
Yves Pignot
Nathalie Roussel
François Siener
Patrick Palmero
Sophie Mercier
Ingrid Donnadieu
Alexandra Naoum
Philippe Beautier
Yves Bouquet

Décors et costumes :
Pierre-Yves Leprince




le texte est disponible
en Folio