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Joël NIVARD


Salle des pas perdus


Où ? Une salle d'attente de gare, la scène idéale par son anonymat le plus dépouillé. Un endroit où se nouent et se dénouent parfois les instants de la vie, un lieu de passage presque obligatoire vers un ailleurs, vers autre chose…

Quand ? La nuit, forcément car "La solitude c'est comme la misère, toujours plus dur la nuit que le jour".

Qui ? Un chassé-croisé d'individus, tous ancrés dans une forme d'isolement et de détresse. Ils soulèvent des interrogations et habitent un instant la solitude d'un sans-abri venu se réfugier pour la nuit.

Ce sont tous des "torturés". Pour l'un, l'amour qui s'en va par le prochain train tandis qu'un autre attend en vain une femme qui ne viendra jamais… Un couple qui ne se comprend plus et qui ne trouvera jamais ce qu'il cherche : un endroit où poser leurs valises. Une chanteuse dont les rêves de gloire éconduits ont sacrifié sa vie de femme. Une prostituée dont le seul ami est le clochard, Émile… Émile qui veut encore croire que son plus fidèle compagnon réchauffe encore sa solitude. "Paulo, y vieille sur la détresse parce qu'il est de la même race que nous. Il est né dans la nuit, par hasard et l'amour qu'il a en lui, il le donne pour rien. Même si tu ne le lui rends pas, Paulo, il aura toujours les yeux pleins de ce que tu aurais pu lui donner."

Et au bout du compte, on en arrive à se demander qui incarne le plus la solitude parmi tous ces personnages qui défilent dans la salle des pas perdus. Est-ce, comme on pourrait le penser, Émile, le SDF ? Et la misère ? Toujours Émile ?

Émile, témoin de cette concentration de destins, semble rassembler les histoires. Il est un repère dans la mesure où il incarne l'exclusion sociale la plus extrême. Il n'a plus rien à perdre, et il arbitre en quelque sorte les évènements avec une verve que l'on aime tant elle est spontanée, authentique, drôle et parfois même poétique.

Au fil des scènes, l'espace se réduit autour des personnages. Ils se dévoilent et les solitudes se mêlent dans un grand élan de générosité et d'humanité qui rapproche si bien les êtres en souffrance. Le temps est comme suspendu, "Pas la peine de regarder la pendule, elle ne marche pas" et seul le train dont la provenance et la destination sont inconnues, fixe le temps humain en interrompant les attentes.

De personnages les plus disparates, Joël Nivard réussit à n'en faire qu'une seule et même figure : celle d'une humanité blessée dans sa chair, qui ne demande finalement qu'à partager un peu de chaleur, d'écoute et de tendresse…
– C'est pas le quartier qui fait la solitude.
– Non. Et c'est pas la tendresse qui fait l'amour. Mais des fois, ça fait du bien la tendresse. Même que t'aurais pas envie que ça s'arrête. Que ça devienne autre chose. Quand tu serres ça sur ton cœur et que ça te donne envie de pleurer, ça suffit Émile. Rien que ça, ça suffit.

Véronique Jean 
(17/03/12)    



Sommaire
Notes de lecture
Théâtre









Le bruit des autres

88 pages - 12 €






Joël Nivard
est l'auteur de trois romans et d'une quinzaine de pièces de théâtre, toutes créées par la compagnie Asphodèle. Salle des pas perdus est son sixième titre au Bruit des autres.