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Emmanuel LEPAGE


Un printemps
à Tchernobyl






La zone interdite de Tchernobyl, qui occupe un espace de 30 kilomètres autour de l'ancien réacteur de la centrale, est aujourd'hui un espace naturel unique au monde. Au cœur de la zone contaminée, à l'abri des activités humaines, se développe une vie animale et végétale riche et sauvage. De verdoyantes étendues de bouleaux sont réapparues. De nouvelles espèces ont même trouvé refuge dans les prairies dépeuplées. Quelques chevaux de Przewalski vivent aujourd'hui paisiblement à la suite de programme de réintroduction. Depuis 24 ans, la vie animale et végétale repeuple les ruines de la ville abandonnée, au milieu des carcasses de métal et des fissures de béton. La vie renaît au cœur du sol empoisonné, paradoxalement protégée de la pollution des activités des hommes. Cet espace impur et épuré des hommes, Lepage a voulu en transmettre l'esprit en dessins.

C'est part l'intermédiaire d'une association d'artiste engagés contre l'énergie nucléaire, qu'Emmanuel Lepage partira en 2008 en Ukraine dans la zone irradiée interdite de Tchernobyl pour rendre compte des effets de la catastrophe et rencontrer les rares habitants qui continuent à y travailler et à y vivre. L'un des artistes du groupe résume l'esprit du projet :
"Tchernobyl n'est pas réservé aux scientifiques, aux techniciens du nucléaire, aux journalistes, aux humanitaire, nous aussi nous y avons notre place. Nous croyons que l'artiste est à même de capter l'étrangeté de vivre là-bas et d'en témoigner."

Un printemps à Tchernobyl mêle ainsi le documentaire, le carnet de voyage et le récit à la première personne, pour transmettre la tragédie de ce lieu unique. Lepage dessine avec talent les avenues droites et fantomatiques de Pripiat, sa grande roue, ses monuments soviétiques, ses places majestueuses à tout jamais désertes. Lepage rencontre également d'anciens "liquidateurs" parfois devenu "pilleurs". Il décrit les enfants, la vie paisible, belle et tranquille de Tchernobyl.

Lepage restitue ce qu'il voit mais aussi ses impressions, ses émotions, ses réflexions. Il restitue les contraintes qui se présentent durant la réalisation des croquis. Il s'agit de dessiner toujours dans l'urgence, sous le tic tac constant et peu rassurant du dosimètre. La BD alterne ainsi dessins réalisés sur place, en pastels gras avec les dessins retravaillés par la suite, plus précis, qui guident la narration tout au long du voyage.

Lepage s'aventure dans les forêts profondes et vigoureuses de la zone contaminée pour en restituer la beauté apparente. Mais dessiner la beauté de cette nature, est-ce restituer la vérité qui se joue dans ces lieux ? Lepage ne se contente pas de décrire ce qu'il voit, il mène également une réflexion sur le visible et l'invisible, sur ce qui engage le dessinateur lorsqu'il se fixe la mission de retranscrire la vérité d'un lieu. Comment représenter cette nature aux veines empoisonnées, saturée par le venin invisible des dépôts de césium 137 ?

Si Lepage pensait trouver des images de mort à Tchernobyl, c'est paradoxalement la beauté de la vie, sous toutes ses formes, qu'il retranscrit. Tchernobyl ne parle des hommes qu'au passé et Lepage a pu en témoigner avec éclat et sensibilité.

Aurélien Dutier 
(15/12/12)    



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Bandes dessinées

















Futuropolis
(Octobre 2012)
168 pages - 24,50 €






Emmanuel Lepage,
né à Saint-Brieuc en 1966, a publié son premier dessin dans Ouest France à quinze ans. Scénariste, coloriste et dessinateur, il a écrit et/ou dessiné une vingtaine d'albums.



Bio-bibliographie
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